Le séisme du 14 août 2021 en Haïti regorge de leçons. Immédiatement après l’événement, des scientifiques haïtiens sont déployés sur le terrain pour collecter les premières données permettant de comprendre le mécanisme de la rupture sismique. Les efforts de formation consentis au lendemain du séisme de 2010 sont en train d’être payés. Contrairement à 2010, les restrictions de voyage en Haïti pour des raisons de Covid et d’insécurité limitent la présence de scientifiques étrangers sur le terrain. Autre aspect qui attire notre attention c’est la distribution et l’ampleur des dégâts.
Il est facilement compréhensible que les grandes villes comme les Cayes et Jérémie soient fortement touchées. Bien qu’elles ne soient situées directement dans la zone épicentrale, ce séisme de magnitude 7.2 a rencontré une importante vulnérabilité dans ces villes : forte densité de population logée dans des maisons ne respectant pas toujours les normes. Il est tout aussi facilement compréhensible que les petites villes comme Maniche, Camp-Perrin et l’Azile soient sévèrement endommagées car elles sont directement traversées par le « tronçon » de faille qui a rompu. Ce qui paraît moins évident à comprendre, c’est l’ampleur des dégâts dans les sections communales. Renonçant peu à peu aux structures légères, ces entités géographiques sont même les plus touchées.
La majorité des constructions en Haïti sont construites en béton armé parce que celui-ci est relativement résistant et offre également une facilité de mise en œuvre.
Pour l’ingénieur Brunet Xavier, qui participait à l’émission Haïti Climat du jeudi 26 août 2021, la majorité des constructions en Haïti sont construites en béton armé parce que celui-ci est relativement résistant et offre également une facilité de mise en œuvre. Formé de sable, gravier, ciment et eau, le béton est moins cher que d’autres matériaux pour une résistance similaire. « On trouve facilement du sable et du gravier en Haïti. Seuls le ciment et l’acier sont importés. »
Dans les sections communales, certains matériaux sont encore plus accessibles (rivières et carrières à proximité…). Il n’y a aucun problème de faire usage de ces matériaux, c’est le mélange qui laisse souvent à désirer. « Le mélange des matériaux n’est pas forcément du béton », fait comprendre l’ingénieur Xavier, qui a aussi une expérience significative au Laboratoire national, du bâtiment et des travaux publics (LNBTP).
Plus loin dans son intervention, l’ingénieur Xavier descend dans les fondations pour expliquer les raisons du désastre dans ces zones reculées. « Il n’y a pas d’étude de sol, donc la vulnérabilité du sol en dessous de la fondation n’est pas prise en compte. Un sol mou est souvent défavorable à la construction. Ce type de sol a tendance à amplifier les ondes sismiques. »
Quid du dimensionnement de la structure ?
Dans le milieu rural, les maçons et contremaitres ont généralement été formés pour des constructions légères. Le passage au béton est délicat. La structure n’est pas bien dimensionnée. Nous avons vu de très petites colonnes supportant la dalle ou des poutres.
Le facteur culturel
Il y a aussi un facteur culturel non négligeable. Les maisons en béton sont une forme extérieure de richesse. Avec un revenu régulier, un citoyen haïtien issu d’une famille paysanne n’aura qu’une idée en tête : faire reconstruire la maison familiale – la faire passer du bois au béton-. C’est un signe de réussite pour les parents après avoir tout sacrifié pour l’éducation de leurs enfants.
L’ouvrier travaille au goût du maître, dit-on. Le maçon du coin se retrouve à construire des maisons en béton armé, parfois sur deux niveaux. Des ouvrages pour lesquels il n’a pas été formé.
L’ingénieur Xavier en a profité pour formuler quelques recommandations :
– connaitre la nature du sol.
– déterminer le comportement du sol quand il est soumis à un événement sismique.
– réaliser des microzonages sismiques
– surveillance de l’État : « La construction est coûteuse, sans surveillance les gens risquent de faire n’importe quoi. »
– comme politique de construction, il faut favoriser l’accès au crédit pour construire. Normalement, une banque qui accorde ce type de crédit se donnera les moyens de veiller au respect des normes.
– pour les villes déjà mal construites, on peut déployer des professionnels pour évaluer les bâtiments et apporter des correctifs.
– construire des logements sociaux pour loger les pauvres.
Pour finir, l’ancien cadre du LNBTP admet qu’on n’est pas obligé de renoncer au béton. Il faut juste construire parasismique, dans le respect des normes, quels que soient les matériaux (béton armé, métallique…).
Newdeskarl Saint Fleur
newdeskarl@gmail.com
Article original publié sur le Nouvelliste