Biodiversité

Wynne Farm et Martissant : deux refuges d’oiseaux menacés par l’insécurité

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La Réserve écologique de Wynne Farm et le Parc national urbain de Martissant abritent une biodiversité aviaire de grande valeur pour la conservation, malgré l’emprise croissante des groupes armés. Une étude menée dans ces deux petites aires protégées situées dans la région métropolitaine de Port-au-Prince, couvrant une superficie combinée de 32,4 hectares, révèle des niveaux similaires de richesse et de diversité en espèces d’oiseaux. Pourtant, en dépit de leur proximité géographique, les deux sites présentent des communautés aviaires nettement distinctes, influencées par la végétation et l’altitude.

Malgré le fort potentiel de biodiversité que représentent ces sites pour le pays sur le plan écologique, leur préservation est gravement compromise par la situation sécuritaire.

La région de Martissant est entièrement sous le contrôle de gangs armés depuis le 1er juin 2021, rendant tout accès au Parc national urbain qui est situé entre Martissant 23 et la route des Dalles extrêmement dangereux, voire impossible. 271 espèces végétales réparties en 68 familles ont été inventoriées en 2009. Depuis, 20 nouvelles familles ont été plantées. Le parc compte 33 espèces d’oiseaux, dont 7 sont natives à l’île d’Haïti. Il abrite 15 espèces de reptiles, dont 12 sont endémiques.

De son côté, la réserve écologique de Wynne Farm, qui recevait en moyenne 2000 personnes par mois entre 2016 et 2020, est inaccessible avec la commune de Kenscoff, qui est à deux doigts d’être totalement envahie par des groupes armés illégaux depuis les premiers assauts lancés sur la ville le 27 janvier 2025.

Servant de refuge aussi pour le bétail et des espèces d’oiseaux, cette ferme a été déclarée zone protégée en 2019 par le ministère de l’Environnement pour son importance écologique, éducative, agricole et touristique.

Cette insécurité persistante menace non seulement la recherche scientifique et les efforts de conservation, mais aussi la survie même de ces refuges de biodiversité uniques en Haïti.

En effet, Jean Marry Exantus, ingénieuragronome, a rédigé, en collaboration avec plusieurs autres personnes, un texte scientifique sur la richesse de la biodiversité dans ces deux sanctuaires d’oiseaux, malgré le fait que ces régions soient pratiquement sous le contrôle de civils armés illégaux. D’après ce document, un total de 718 oiseaux appartenant à 38 espèces différentes ont été recensés dans les deux zones : 494 au parc national urbain de Martissant (PNUM) et 224 à la réserve écologique de Wynne Farm (REWF). Parmi les espèces observées figuraient deux espèces endémiques et vulnérables, le Corvus leucognaphalus et l’Amazona ventralis, toutes deux aperçues uniquement sur le site urbain.

La composition des deux communautés aviaires différait de manière significative, avec seulement 31,6 % d’espèces en commun et une différence marquée dans leur abondance relative. Les espèces ont été identifiées le long de transects, sans estimation de distance. Toutefois, la richesse spécifique, la diversité, l’équité (evenness) et les distributions abondance-espèces ne présentaient pas de différences significatives entre les deux sites. Selon M. Exantus et ses collaborateurs, aucune preuve d’une différence dans le degré de dépendance à la forêt entre les deux communautés n’a été trouvée. En revanche, les espèces principalement ou strictement insectivores représentaient une proportion plus importante des observations à la RESWF (34,8 %) qu’au PNUM (19,6 %).

Selon le docteur en écologie tropicale, toutes les espèces d’oiseaux précités ont été recensées entre janvier et mars 2018 sur deux sites protégés en Haïti : le Parc national urbain de Martissant (PNUM) et la Réserve écologique de Wynne Farm (RESWF). Grâce à des transects proportionnels à la superficie de chaque site, l’auteur a appliqué une méthode rigoureuse pour analyser la relation entre la surface et la diversité aviaire. Cette recherche s’inscrit dans un contexte de rare documentation sur la biodiversité urbaine haïtienne.

La Wynne Farm Ecological Reserve (WFER) est située à Kenscoff, à environ 30 km au sud-est de Port-au-Prince, à 1800 mètres d’altitude. Créée en 1956 par Victor A. Wynne, elle était à l’origine une ferme de montagne dédiée à la production de fruits et légumes tout en préservant les espèces végétales locales. Au fil du temps, elle est devenue un sanctuaire pour diverses espèces, notamment les insectes, reptiles, amphibiens et oiseaux. Aujourd’hui reconnue officiellement comme réserve écologique, elle fait partie du Parc National Naturel des Sourçailles depuis 2021.

La réserve abrite une végétation adaptée à la haute altitude, ainsi que des parcelles expérimentales cultivées. Bien que séparée de 20,8 km du Parc national urbain de Martissant, elle partage un environnement fragmenté comprenant forêts, zones agricoles, infrastructures humaines et la Rivière Froide.

Parallèlement, le Parc National Urbain de Martissant (PNUM) est situé dans la partie nord de Port-au-Prince, à proximité des quartiers défavorisés de Grande Ravine et Petit Bois. Il s’étend sur une superficie de 17 hectares à une altitude de 58 mètres. Le parc regroupe plusieurs anciennes propriétés privées, dont l’Habitation Leclerc et les résidences Pauline, Katherine Dunham, Destouches, ainsi que celle de la famille Mangonès. Ces terrains ont été déclarés d’utilité publique par décret présidentiel en 2007, puis officiellement réunis sous l’appellation de PNUM en avril 2017.

La gestion du parc a été confiée à la Fondation Connaissance et Liberté (FOKAL), qui en assure la préservation et le développement. Le parc se distingue par une riche biodiversité végétale, avec 271 espèces de plantes réparties en 88 familles. Parmi les espèces les plus courantes figurent le Swietenia mahogani (acajou), Delonix regia (flamboyant), Roystonea regia (palmier royal), Eucalyptus globulus, Theobroma cacao (cacaoyer), ou encore Coccoloba uvifera (raisinier bord de mer).

Sur le plan faunique, le PNUM accueille une diversité d’espèces animales, dont des invertébrés, amphibiens, lézards, mammifères et même certaines espèces exotiques envahissantes.

Le parc constitue ainsi un refuge écologique important dans un environnement urbain fortement menacé par la pression humaine et l’insécurité, et il joue un rôle crucial dans la conservation de la biodiversité en milieu urbain haïtien.

Jean Rony Poito PETIT FRERE

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