À l’invitation de l’Unité de recherche en géosciences de la Faculté des sciences de l’Université d’État d’Haïti, plusieurs chercheurs nationaux et internationaux en géosciences, en sciences humaines et sociales, d’autres acteurs du milieu académique entre autres… ont participé, jeudi 1er octobre, à l’hôtel Marriott, à une enrichissante journée de discussions autour du « risque sismique et appropriation » en Haïti. Une journée scientifique qui a non seulement permis, entre autres, aux acteurs de comprendre la perception du risque dégagée dans le pays, mais aussi de comprendre la nécessité d’impliquer et d’engager davantage les citoyens haïtiens dans leur propre prise en charge par rapport aux éventuels dangers.
Beaucoup d’efforts restent à faire pour permettre que les citoyens haïtiens, tant du milieu rural que du milieu urbain, puissent intégrer et développer la culture du risque sismique, même dix ans après le séisme qui a ravagé le pays, notamment la capitale. Si, d’une part, des chercheurs dans le domaine estiment que « la connaissance de l’aléa et son suivi ont progressé, de nouvelles normes ont été édictées, des efforts ont été faits pour mieux construire face à la menace sismique… » ; ils reconnaissent, d’autre part, que des travaux doivent être faits pour apprendre aux gens à faire face au risque sismique, puisque le pays connaitra bien d’autres séismes, après celui du 12 janvier qui a été des plus catastrophiques pour Haïti.
C’est en sens que cette journée de discussion s’est tenue. Elle rentre dans un processus visant une meilleure communication des données de la science, explique le professeur Kelly Guerrier, l’un des responsables de l’URGéo de la Faculté des sciences. L’idée consiste à voir comment participer à une meilleure vulgarisation scientifique, notamment par l’éducation sur le risque sismique. Une manière d’arriver à mieux cerner et comprendre la perception du risque et aborder la manière de vivre avec, souligne-t-il.
Dans le cadre de cette journée, deux grands projets ont été présentés à l’assistance. Le premier, présenté par le scientifique français connu en Haïti Eric Calais et le chercheur haïtien Dominique Boisson, concerne la « sismologie citoyenne ». Ce projet crée d’abord un meilleur dialogue et rapport entre les scientifiques de la sismologie avec des sociologues (dans une démarche interdisciplinaire). Il s’agit surtout de voir comment rendre les communautés actives en ce qui les concerne à ce niveau. Des expériences se réalisent, en ce moment, avec des chercheurs haïtiens et étrangers allant dans cet angle-là en Haïti.
Le deuxième est un projet piloté par Hans-Balder Havenith de l’Université de Liège, Sabine Henry, de l’Université de Namur en Belgique et le professeur Kelly Guerrier de l’Université d’État d’Haïti. Il met en relation la géographie et la géophysique. Actuellement, deux communes sont en phase d’expérimentation : Port-au-Prince et Anse-à-Veau, l’une des villes toujours victimes de séisme. Dans ce projet, il est question non seulement d’impliquer les gens comme acteurs, mais aussi de réduire leur vulnérabilité à partir des initiatives prises concernant des aléas sismiques. Les chercheurs essaient de prendre en compte la perception des gens du risque sismique afin de s’adapter et mieux faire circuler les messages de sensibilisation.
Le sociologue haïtien Laënnec Hurbon, accompagné de Nixon Caliste, a présenté une enquête sociologique réalisée auprès de certaines personnes afin de mieux comprendre leur perception du risque sismique. « Pour moi, il y a un progrès scientifique du point de vue de sismologie qui peut être fait grâce à l’apport des sciences sociales », estime le professeur directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) en France . Pour lui, d’une part, cela peut permettre que les gens aient une meilleure connaissance de la sismologie. Le mode de perception et de réactions des gens apporte des éléments nouveaux aux chercheurs dans ce domaine quant à leur manière de se comporter. D’autre part, cet apport permet aussi de savoir comment se préparer devant les menaces, après avoir déterminé le profil des différents groupes sociaux au niveau de la grande population, en utilisant et en renforçant les meilleurs canaux d’informations pour les atteindre.
Présent à cette journée de partage de données scientifiques, Saulo Neiva, directeur régional de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF), évoque, pour sa part, une histoire intéressante entre l’agence et l’UrGéo de la Faculté des sciences. Pour lui, cette unité de recherche fait un travail très sérieux tant au niveau de la science qu’à celui de la formation en niveau supérieur, notamment dans le cadre du programme de formation de maitrise en « géosciences, géo-risques ». Le responsable de l’AUF, qui travaille actuellement avec l’UrGéo sur un projet d’éducation, de sensibilisation de la population sur les catastrophes naturelles, encourage toute activité prônant une « culture du risque », pour permettre aux gens de prendre des précautions. Selon lui, il faut arriver à former des enfants et d’autres personnes capables de jouer un rôle fondamental, notamment les femmes dans les familles.
« Nous avons eu l’opportunité d’échanger entre partenaires, scientifiques et d’autres spécialistes de la question », s’enthousiasme le professeur Dominique Boisson, coordonnateur de l’UrGéo. Le chercheur haïtien rappelle que l’Urgéo, dans le cadre de ces journées, entend permettre à la communauté haïtienne de prendre connaissance de ce qui se fait en Haïti dans le domaine du risque sismique et mettre en évidence les liens qui existent entre le risque sismique et d’autres disciplines scientifiques.
Source: Le Nouvelliste