Anse-à-Pitres, l’une des communes frontalières du département du Sud-est, est dotée d’un plan communal de développement (PCD). La cérémonie de remise officielle dudit plan aux autorités communales s’est tenue le mercredi 3 août 2002. Financé majoritairement par le gouvernement canadien et implémenté par le programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) – en appui au ministère de la Planification et de la Coopération externe (MPCE), ce plan qui présente un diagnostic global des ressources, potentialités ainsi que les problèmes auxquels fait face la commune d’Anse-à-Pitres, est élaboré par la mairie, avec l’assistance technique du Centre d’Appui et Développement local (CATEDEL ).
« Suite à la programmation envisagée par la communauté, les besoins de financement de ce PCD sont estimés à un montant total de trois 3 114 900 000 gourdes, répartis sur cinq années consécutives, soit 2022-2027 », lit-on dans le plan de développement d’Anse-à-Pitres. Ce plan présente aussi un diagnostic de la commune sur le plan environnemental et propose des actions à entreprendre pour porter des éléments de réponse par rapport aux problèmes identifiés dans le domaine.
Des ressources à mettre en valeur
« Sur le plan floristique, on a pu observer au niveau de Boukara, une végétation caractérisée essentiellement par une prédominance des cactus et du Bayahonde (Prosopis juliflora) », révèle le diagnostic du PCD, qui fait aussi le constat de versants complètement dénudés à la première section de Boucan Guillaume.
« Cela peut être lié à l’exploitation abusive du bayahonde à des fins de fabrication du charbon de bois qui constitue une activité économique très remarquée au niveau de cette section », précisent les auteurs du PCD. Plusieurs autres espèces comme le Cedrela odorata (Cèdre), le Meliaazadirachta (Lila), le Meliccoca bijuga (Quenepier), Comocladia dentata (Bwa Panyòl), la Catalpa longissima (chêne), la Simaruba glauca (frêne) ont été aussi identifiées à travers toute la côte, située le long de la frontière de 380 km qui sépare Haïti et la République dominicaine.
Au niveau des altitudes très élevées où le climat favorise la production des cultures maraichères, les versants sont déboisés et laissent la place à des cultures de rente. Ainsi, des cultures saisonnières sont pratiquées sur des pentes fortes alors que ces types de relief sont mieux adaptés à la mise en place de végétations pérennes. En effet, ces mauvaises pratiques culturales ont tendance à favoriser la dégradation des sols en intensifiant le phénomène de l’érosion, note le document. Dans des zones arides et de basse altitude, spécialement au niveau du Morne « Boukara », on retrouve une espèce endémique à l’île ; l’iguane cornu (Cyclura cornuta) et l’iguane Ricord (Cyclura Ricordi). « Ces deux espèces sont menacées de disparition suite à l’altération de leur habitat et la forte pression exercée dont elles font montre », révèle le Plan. Un triste constat qu’ont fait les spécialistes du CATEDEL sur le terrain.
Anse-à-Pitres, élevée au rang de commune en septembre 1912, est établie, selon le PCD, sur des formations géologiques multiples. Il s’agit d’un complexe géologique formé d’une mosaïque de calcaires durs, de calcaires marneux, et d’une couche constituée de flysch, grès et calcaires. Certaines zones, notamment la section de Bois d’Orme, est en grande partie localisée sur des structures géologiques de types calcaires durs. Cependant, il existe des endroits au niveau desquels les structures géologiques sont formées de calcaires marneux.
« Ces types de sols sont en principe très limités pour le développement des cultures annuelles ou à cycle court et de celles à enracinement peu profond. En principe, ces sols sont beaucoup plus propices à la mise en place des forêts et au développement des cultures de montagne comme le café », souligne le document.
Les enquêtes et observations de terrain dans le cadre de la préparation du PCD ont permis de recenser un ensemble de 19 sources au niveau de la commune d’Anse-à-Pitres. La majorité, soit un total de 17, se concentre dans la deuxième section de Bois d’Orme. « Cependant, la plupart de ces sources ne sont pas captées et sont très vulnérables aux aléas climatiques, notamment aux épisodes de sécheresses prolongées », révèle le rapport.
De plus, elles sont très exposées et vulnérables aux menaces engendrées par la dégradation de l’environnement telles que l’érosion des sols, l’éboulement et les glissements de terrain. Cet état de fait consiste à remettre en question leur durabilité et la qualité des eaux qu’elles fournissent ». Réhabilitation des sources captées, réalisation d’autres captages de sources au niveau de la commune, travaux d’aménagement dans les environs et en amont des sources, telles sont les propositions faites dans le document pour une meilleure gestion des sources dans la commune.
Au niveau de l’assainissement, tout est à faire. Il existe un service de voirie au sein de la mairie d’Anse-à-Pitres constitué de 10 employés dont la mission consiste à assurer la collecte régulière des déchets solides. Il n’existe cependant dans la commune, confirment les auteurs du document, ni poubelles ni sites de décharge formels encore moins des centres de traitement de déchets n’ont été identifiés. Par conséquent, précise le rapport, les matières résiduelles collectées à longueur de journée sont déversées à proximité de la rivière ou dans des endroits peu fréquentés. Il en résulte l’accumulation de tas de résidus dans certaines rues et la formation de dépôts sauvages au bord de la rivière.
Pour aborder le problème de l’assainissement et/ou de la santé environnementale dans la commune, il est proposé de mettre en place des sites de décharges pour le traitement des ordures, de mieux organiser la collecte des ordures et d’installer des poubelles dans des points fixes de collecte.
Des problèmes environnementaux qui sautent aux yeux
Les mangroves ne sont pas non plus protégées à Anse-à-Pitres. Établie sur une superficie estimée à 4,5 ha au centre-ville et 5,000 ha au niveau de l’embouchure jusqu’à Lakrok, les mangroves font partie des principales essences forestières rencontrées à Anse-à-Pitres. Celles-ci, précise le PCD, se retrouvent principalement au niveau de l’embouchure de la rivière de Pedernales et dans la localité de la Saline. On ne dispose pas de données chiffrées ou cartographiques pour évaluer le niveau de dégradation des ressources naturelles ou leur situation réelle au niveau de la commune d’Anse-à-Pitres. Cependant, les observations directes faites sur le terrain, couplées aux informations fournies par les parties prenantes des différents focus groupes réalisés ont permis de déduire que l’environnement se trouve dans un processus de dégradation menaçante.
« Des versants dénudés, des affleurements rocheux et une côte presque dépourvue de mangroves sont autant d’éléments qui témoignent, l’état alarmant de la situation », tels sont les constats faits sur le terrain par les enquêteurs.
Il en résulte, font-ils remarquer, des impacts nettement négatifs comme la perte des couches arables des sols due à l’érosion, la baisse de la productivité des sols, l’assèchement de la majorité des sources durant les périodes de sécheresse, la diminution des pâturages, l’accroissement de la vulnérabilité des systèmes naturels et humains aux risques climatiques et une altération des habitats de la faune terrestre et aquatique.
« Dans ces conditions, des espèces animales sauvages endémiques à l’île comme l’iguane sont fortement menacées de disparition. Par ailleurs, certaines institutions comme la Coordination régionale des organisations du Sud-Est (CROSE), l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), le PNUD, l’Agro Action allemande (AAA) entreprennent des initiatives visant à améliorer la couverture végétale au niveau de la zone », informe le PCD.
Parmi les propositions faites dans le PCD pour réhabiliter l’environnement de la commune, on retrouve la mise en place des centres de production de plantules (pépinières), de brigades de surveillance environnementale, de politiques de protection de l’environnement. Il est également proposé de réaliser des séances de formation sur l’importance de l’environnement.
Les préoccupations en lien aux mécanismes de transfert intra/intergénérationnel, à la résilience climatique sur des angles multisectoriels (dynamique holistique), à la responsabilité sociale des entreprises (RSE), à la prise en compte des principes de sauvegardes sociales et environnementales – et des sensibilités en rapport à l’intégration de la dimension genre sont bien au cœur de la démarche de l’élaboration participative dudit PCD.
Haïti Climat