Les trottoirs à Port-au-Prince, les canaux, les égouts, les ravins sont, entre autres, les principaux endroits où les ménages se débarrassent de leurs ordures. Nombreux sont ceux qui adoptent cette pratique en ignorant les conséquences environnementales. Alors que pour d’autres, c’est une habitude obligée.
Marleine, employée de l’administration publique, mariée et mère de trois enfants, est dérangée quand elle jette les déchets sous un pont de son quartier. Avant de venir habiter à Delmas, elle vivait à Waney dans la commune de Carrefour où un camion passait régulièrement récupérer les ordures ménagères. Selon elle, depuis son arrivée à Siloe, la situation est dérangeante.
« Cela me dérange parce que ce n’est pas ce que je souhaite pour mon pays. J’aimerais vivre dans un environnement sain. Et je sais que ce n’est pas favorable à notre santé», déplore-t-elle. Gênée par son action, la fonctionnaire doit surveiller la tombée de la nuit pour se libérer des ordures. « On sait que c’est mauvais pour l’environnement, insiste-t-elle. Ce n’est pas une belle chose de passer aux yeux de tout le monde avec ses poubelles en main. On est obligé d’attendre qu’il se fasse nuit pour s’en débarrasser. »
De même qu’il y a des gens responsables, il y a aussi ceux qui négligent les conséquences de leurs actes. Anderson, 27 ans, est diplômé en Assistance administrative. Il vit seul. Le jeune homme assure qu’il ne produit pas beaucoup d’ordures chez lui. Sa maison est à environ cinq minutes d’un égout servant de dépotoir à son quartier. Pour Anderson, le fait de ne pas trop cuisiner ne génère pas de détritus.
« Je ne cuisine pas vraiment, je n’ai pas trop de déchets à jeter », dit-il, estimant que le « peu de déchets qu’il dégage de chez lui ne représente pas de grand danger. « Après de fortes pluies, tout est nettoyé », lance Anderson, appelant les autorités à placer des grilles sur les égouts à ciel ouvert qui, selon lui, favorisent cette pratique dans certaines zones.
« Il faut aussi des camions de ramassage d’ordures dans les quartiers », exhorte le jeune homme.
Sédentaire de la zone, Ginette est cosmétologue. Son salon de beauté se trouve à quelques pas d’un ravin à Carrefour 4. Ce dernier est la principale décharge du coin. Dans ce ravin, lorsqu’il ne pleut pas pour que l’eau emporte les ordures, on les brûle. « Siloe n’était pas comme ça avant, vu que la zone n’était pas encore véritablement urbanisée », indique l’esthéticienne.
Selon elle, tant que les habitants augmentent, tant le problème des ordures est devenu persistant. « Avant, il n’y avait pas trop de gens dans la localité, on ne voyait pas d’ordures sur la voie publique. Mais aujourd’hui la population grandit. Comme ils n’ont pas d’autres endroits, ils sont obligés de les jeter dans le ravin », explique Ginette.
D’un autre côté, Ginette estime aussi que la population est de « mauvaise foi ». « Je vois tous les jours des gens, à dessein, jetant des sachets d’eau, des flacons et d’autres objets inutilisables alors qu’ils ne le feront pas ailleurs », dénonce-t-elle. En ce sens, la professionnelle de la beauté demande aux instances concernées d’installer des poubelles dans les rues.
« S’il y avait des poubelles, les riverains ne jetteraient pas les ordures à même le sol », estime Ginette.
Pour Johanne, future infirmière, c’est un problème à prendre à la base pour une éradication complète. La jeune femme pense que les écoles et les églises ont un rôle important à jouer. « Les églises doivent sensibiliser les fidèles comme ils les évangélisent, et les écoles comme une leçon à mémoriser », encourage Johanne.
Selon elle, il n’y a pas que la passivité des autorités ou encore la surpopulation qui est à l’origine de ce pullulement d’ordures dans le pays, principalement à Port-au-Prince. Car la question de propreté, d’après elle, s’enseigne.
« On pourra beau avoir des poubelles dans chaque périmètre, des camions de ramassage d’ordures tous les jours et autres, mais si la population n’est pas éduquée, le problème ne disparaîtra pas », croit l’étudiante. Mais son discours ne la retire pas du lot de ceux qui jettent des ordures dans les ravins. Comme beaucoup d’autres, elle se lève tôt les matins, avant l’aube, pour se débarrasser des ordures de chez elle.
« C’est une exigence. Je le fais contre moi parce qu’on n’a pas d’autres moyens. Ça m’importune parce que je sais que c’est mauvais », regrette Johanne. Les gens nettoient leurs maisons et déballent tout dans la rue, soit pour les brûler ou les laisser emporter par l’eau. Tout un ensemble d’actions au détriment de l’environnement.
Jusly Félix