Le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a rendu public, le jeudi 8 août 2019 à Genève, en Suisse, son dernier rapport sur l’état des sols et la façon dont leur surexploitation menace la sécurité alimentaire, appauvrit la biodiversité et amplifie les émissions de CO2.
Entre autres choses, le GIEC préconise une gestion plus durable des terres de la planète tout en pointant du doigt la surexploitation des sols qui contribue grandement au réchauffement climatique.
A en croire l’un des auteurs principaux , l’ingénieur- agronome Kénel Délusca, actuel chef de mission de l’assistance technique du projet AP3C du ministère de l’Environnement et de l’Union européenne, l’élaboration de ce rapport a duré deux ans et a nécessité quatre réunions de travail.
À ce titre, l’expert haïtien, détenteur d’un doctorat et d’un post-doctorat en géographie physique de l’Université de Montréal, ainsi que deux de ses homologues jamaïcains, qui avaient rejoint le groupe, sont les trois représentants de la Caraïbe à avoir pris part à l’élaboration du rapport spécial du GIEC.
« J’ai co-rédigé le chapitre 4 du rapport », a poursuivi Dr. Délusca qui a été également choisi pour être l’un des porte-paroles du rapport.
« Les pays en développement généralement confrontés aux problèmes d’insécurité alimentaire doivent revoir l’usage des terres. Ceci est d’autant plus vrai pour Haïti qui, faute d’une gestion rationnelle des terres, peine à nourrir ses 11 millions d’habitants. Le rapport encourage ces pays à revoir leurs relations avec la terre nourricière et à adopter des habitudes de consommation moins énergivores », a ainsi résumé le scientifique haïtien.
A en croire rapport, le mélange explosif – dégradation d’un quart des terres émergées par les humains, érosion des sols, désertification, déforestation, perte de biodiversité… – représente une menace pour la sécurité alimentaire d’une population grandissante, de près de 8 milliards d’individus.
Le système alimentaire dans son ensemble génère « jusqu’à un tiers de nos émissions » de gaz à effet de serre, a souligné Eduardo Calvo Buendia, co-président du GIEC, indiquant au passage que des pratiques agricoles trop intensives peuvent appauvrir les sols.
Il faut agir vite, insiste le GIEC, qui énumère une série de mesures applicables à court terme, adaptées aux spécificités régionales.
Le rapport souligne en effet que les politiques favorables à la lutte contre le changement climatique et aux terres peuvent grandement contribuer à sauver les ressources naturelles, à renforcer la résilience sociale, à soutenir la restauration écologique et à encourager l’implication et la collaboration des différents acteurs du domaine.
D’un autre côté, poursuit le rapport, les politiques favorisant une gestion durable des terres – dont un meilleur accès aux marchés et aux services financiers – l’autonomisation des femmes et des peuples autochtones, la réforme des subventions et celles visant à promouvoir un environnement commercial propice contribuent à lutter contre le changement climatique.
« Nous devons améliorer la gestion de nos terres afin de lutter contre le changement climatique et de protéger la sécurité alimentaire », a réagi de son côté l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) saluant la publication du rapport spécial du GIEC.
« Alors que le nombre de personnes souffrant de sous-alimentation continue d’augmenter et que les modèles mondiaux agricoles et économiques prévoient une hausse des prix des céréales de 29 pour cent en 2050 en raison du changement climatique, la FAO espère que ce rapport encouragera la communauté internationale à intensifier les actions visant à s’adapter au changement climatique et à atténuer ses effets », a déclaré Maria Helena Semedo, directrice générale adjointe à la FAO en charge du climat et des ressources naturelles.
De son point de vue, il est vital d’adopter des systèmes agricoles intégrés et plus intelligents et de mettre en place une meilleure gouvernance des forêts, de planifier l’utilisation des terres et de procéder à des changements afin de protéger la biodiversité, d’utiliser les ressources naturelles de manière durable et de promouvoir les services écosystémiques. De même qu’il est crucial d’adopter un régime alimentaire diversifié afin d’atténuer la pression sur les ressources naturelles.
Nourrir correctement les milliards de Terriens ou lutter contre le réchauffement climatique ? Pour ne pas être un jour confronté à ce dilemme, il est indispensable de repenser l’usage des terres et nos habitudes alimentaires, conclue le GIEC qui, depuis sa création en 1988, a pour mission de fournir des évaluations détaillées de l’état des connaissances scientifiques, techniques et socio-économiques sur les changements climatiques, leurs causes, leurs répercussions potentielles et les stratégies de parade.
Ce travail est le deuxième d’une série de trois « rapports spéciaux » du GIEC, après celui de l’an dernier sur la possibilité de contenir le réchauffement à 1,5 °C et avant celui sur les océans et la cryosphère (banquise, glaciers, calottes polaires) attendu fin septembre, au moment où l’ONU organisera un sommet sur le climat à New York.
Le rapport du GIEC en cinq chiffres
► 70 % de l’eau douce mondiale est utilisée pour l’agriculture.
► 72 % des terres terrestres habitables est affecté par l’activité humaine.
► 23 % des émissions de gaz à effet de serre sur la planète sont dus à l’agriculture, la sylviculture et d’autres types d’utilisation des terres.
► Cette part monte à 37 % des émissions de gaz à effet de serre, en y ajoutant les industries de transformation des aliments, un tiers de la nourriture est gaspillée alors même que 820 millions de personnes souffrent de la faim.
► 41% du méthane et 81 % du protoxyde d’azote émis, des gaz 24 et 265 fois plus polluants que le dioxyde de carbone sont des rejets de l’agriculture et la sylviculture.
Cet article a déjà été publié le 18 août 2019