Clap de fin à Madrid de la COP25 sur fond de déception générale. Malgré une prolongation de deux jours – jusqu’au dimanche 15 décembre 2019, l’on retiendra encore longtemps de cette COP25, baptisée COP bleue par la présidence chilienne, que deux semaines de négociations ont accouché d’un accord a minima et, conséquemment, la fin en queue de poisson des débats sur les nouvelles ambitions des grands pollueurs.
Très attendue généralement, la déclaration finale de la COP25, sans cesse repoussée d’heure en heure quoiqu’initialement prévue à la clôture du segment de haut niveau le vendredi 13 décembre, souligne à l’encre forte un « besoin urgent » d’agir contre le réchauffement climatique et appelle à des « actions urgentes ». Cependant, certains des pays grands émetteurs de gaz à effet de serre (CO2) (Brésil, Chine, Australie, Arabie saoudite et Etats-Unis …) n’ont pas pris d’engagement concret pour limiter leurs émissions.
« Je suis très déçu du résultat de la COP25 (…) La communauté internationale a manqué une opportunité importante de montrer son ambition pour répondre à la crise climatique », a déploré Antonio Guterres, secrétaire général des Nations unies.
« Le monde nous regarde et les accords conclus ne sont pas suffisants pour aborder la crise du changement climatique avec l’urgence nécessaire », a estimé Carolina Schmidt, ministre chilienne de l’Environnement et présidente de la COP25.
« C’est triste de ne pas être arrivés à un accord final, car nous étions très proches », a-t-elle fini par regretter.
De son côté, le ministre Joseph Jouthe, chef de la délégation haïtienne à cette COP25, a fait preuve d’une grande lucidité en confiant au journal, vingt-quatre heures avant la fin du segment de haut niveau, qu’il va retourner en Haïti « ses bagages pleins de promesses, comme c’est toujours le cas lors des COP. Des promesses que personne ne voudra respecter ».
« Mais nous allons continuer de négocier, de faire pression sur les pollueurs », a lancé sur un ton résolu celui qui a pris part à cette COP25 avec une double casquette, à la fois ministre de l’Environnement ainsi que de l’Économie et des Finances.
Troisième pays le plus touché au monde par les catastrophes climatiques, selon l’indice mondial des risques climatiques établi par Germanwatch en 2019, Haïti a surtout insisté auprès des gros pollueurs pour qu’ils nous « aident à construire notre résilience », à en croire le ministre Jouthe.
« Tous les indicateurs étant au rouge, j’ai adressé tous nos problèmes (…) Problèmes environnementaux, sociaux, humanitaires, agricoles avec les différentes délégations que j’ai pu rencontrer », a confié le titulaire des portefeuilles Environnement et Finances.
Les appels de détresse du ministre haïtien risquent-ils de trouver un écho favorable auprès des grandes puissances ?
Rien n’est moins sûr, si l’on considère que la question du financement pour les « pertes et dommages », sans oublier le fameux article 6 de l’Accord de Paris sur les marchés de carbone, a fait capoter les négociations à cette COP25.
« Ce sont ces deux éléments qui constituent une pierre d’achoppement (…) à cause desquels il nous est impossible d’arriver à une conclusion (…) Les pays développés ne veulent pas lâcher prise, de même que les pays en voie de développement restent sur la corde raide », a résumé le Dr Kénel Délusca, consultant pour le MDE et expert au sein du GIEC.
En marge de ce chassé-croisé des intérêts divergents des gros pollueurs et ceux des petits pays subissant de plein fouet les effets du changement climatique, la République d’Haïti a quand même réussi à faire entendre sa voix le jeudi 12 décembre 2019 lors du « side event » qu’elle a organisé autour du thème « changement climatique et milieu marin en Haïti ».
Joignant sa voix à celle de la grande majorité des Haïtiens vivant sur les côtes et dont la subsistance dépend de la mer, le ministre Jouthe a lancé un SOS pour le milieu côtier marin national en proie, selon lui, à toutes sortes de nuisances qui menacent leurs moyens d’existence.
La pollution, la diminution de la superficie des mangroves, le blanchiment et la mort des coraux, la mer devenant de plus en plus houleuse, l’envahissement des sargasses sont autant de menaces auxquelles le pêcheur haïtien doit faire face.
Puisque à l’instar d’Haïti, des dizaines de petits États insulaires en développement dépendent fortement des zones côtières et du milieu marin, mis en exergue par la COP25, Joseph Jouthe en a profité pour inviter les pays de la Caraïbe qui, toutes proportions gardées, souffrent de ces mêmes problèmes, à raffermir davantage leurs liens et leur coopération pour affronter conjointement ces contraintes liées au changement climatique.
« Il y va de l’avenir et de la vie de plusieurs millions de nos citoyens », a souligné le ministre haïtien.
Contrairement aux autres pays qui trainent les pieds, Haïti s’apprête à réviser sa contribution déterminée au niveau national (CDN) en 2020, a fait savoir James Cadet, responsable de la Direction du changement climatique au MDE, précisant au passage qu’elle n’est pas encore mise en œuvre, malgré quelques actions d’adaptation et d’atténuation réalisées par le gouvernement haïtien avec plusieurs partenaires.
Quoi qu’il en soit, à l’issue de cette COP25, l’objectif de l’Accord de Paris, d’où sortiront les Etats-Unis en 2020, de contenir l’augmentation de la température mondiale à un niveau inférieur à 2°C par rapport aux niveaux préindustriels s’éloigne de plus en plus… Au rythme actuel des émissions de gaz à effet de serre, la température pourrait gagner jusqu’à 4 ou 5 °C d’ici la fin du XXIe siècle. Même si les 197 signataires de l’Accord de Paris respectaient leurs engagements, le réchauffement dépasserait 3 °C.
Une du Nouvelliste 18-12-19
Publié sur Le Nouvelliste par Patrick Saint-Pré