Des piles de déchets de toutes sortes sont entassées aux abords de la rivière La Gosseline, située à l’entrée de la ville de Jacmel. La fumée provenant de l’incendie de deux tas d’immondices s’élève sur la rive gauche du cours d’eau. Cette insalubrité ne gène outre mesure les motocyclistes et les automobilistes occupés à laver leurs véhicules dans le lit de la rivière C’est aussi dans cette rivière que des femmes font leur lessive et se baignent ainsi que leurs petits.
En plus d’incommoder les habitués de la rivière, les immondices menacent aussi la vie des animaux marins. En effet, après les averses, la rivière en crue se déverse dans la mer emportant dans son sillage des déchets de toutes sortes: ménagers, organiques et autres.
Emerson Vilbrun, technicien en gestion de déchets, déplore le fait que la mairie, les entreprises et des membres de la population utilisent le lit de la rivière La Gosseline comme site de décharge, car une fois dans la mer, les fatras, incluant du plastique, risquent d’être ingurgités par les poissons et d’autres animaux marins, causant ainsi leur mort. Le technicien en gestion de déchets rappelle que le plastique met un siècle pour se dégrader. Sa présence dans la mer constitue donc un gros danger pour l’environnement maritime.
« Le mélange des déchets produit un liquide résiduel toxique dénommé Lixiviat.
Une fois en contact avec la nappe phréatique, ce liquide issu de la percolation d’eau de pluie à travers les fatras fermentés constitue un danger pour les gens qui consomment de l’eau de source », indique Emerson Vilbrun.
Les autorités municipales de Jacmel ont tenté, environ 5 ans de cela, de mettre sur pied un site de décharge. Non délimité, le terrain a été envahi peu à peu par les riverains qui ont fini par exiger des autorités sa délocalisation, du fait de la prolifération des mouches. Actuellement, la ville de Jacmel ne dispose toujours pas de site de décharge officiel et conforme aux normes. Le maire Marky Kessa affirme être à la recherche d’un terrain approprié en vue de mettre sur pied un autre site et cherche aussi un bailleur de fond pour financer la réalisation de ce projet.
Pour l’instant, la réputation de ville propre que détenait Jacmel s’effrite petit à petit. L’historien Jean-Elie Gilles, aussi recteur de l’UPSEJ: Université Publique du Sud-est à Jacmel, déplore la disparition progressive de sa ville natale d’antan où les amoureux pouvaient encore se promener près de la rivière dont les berges étaient couverts d’arbres. Les gens pouvaient même en boire l’eau. Actuellement, par endroit, l’environnement de La Gosseline exhale de mauvaises odeurs.
Ecoutez le reportage de Sachenka Thomas sur la mauvaise gestion des déchets à Jacmel
Que dit la loi sur la protection de l’environnement, en ce qui a trait à la gestion des déchets? Wilder Jean, ancien cadre du ministère de l’Environnement, détenteur d’une maîtrise en droit environnemental et en aménagement de territoire, rappelle qu’en 1992, lors du sommet de la Terre de Rio au Brésil, Haïti a signé deux conventions issues d’une déclaration visant la protection de l’environnement mondiale, s’engageant ainsi à protéger la biodiversité et à combattre toute activité de nature à porter atteinte à l’environnement. En outre, le décret datant du 12 octobre 2005 définit les infractions environnementales, à travers un texte qui établit les responsabilités civiles et pénales en matière de protection de l’environnement.
Cependant, depuis plusieurs années, les immondices se retrouvent à l’entrée et dans l’enceinte même de la ville ainsi que dans les rivières et la mer. Une réalité devenue monnaie courante à Jacmel et qui ne fait pas honneur à sa réputation de ville touristique et de ville créative, dernier titre à lui être attribué par l’Unesco en 2014.
Sachenka Thomas