Les matières plastiques envahissent notre quotidien. Elles sont omniprésentes. Consciente de cette menace environnementale, « Konbit Plastik basé à Port-au-Prince, et l’organisation internationale « Plastic Bank » ayant son siège à Vancouver (Canada) et qui opère actuellement au Brésil, aux Philippines, en Indonésie et en Egypte, mobilisent plus de 17 mille collecteurs vivant dans les communautés côtières. Elles comptent à leur actif plus d’un milliard de bouteilles plastiques collectées ! Ce qui représente 20 millions de kilogrammes de déchets.
Leurs actions concertées s’inscrivent dans la perspective de donner une réponse au fléau de la pollution plastique. Pour y parvenir, Konbit Plastik et Plastic Bank préconisent la Réduction, la Réutilisation et le Recyclage, à ce jour l’une des stratégies les plus pertinentes, à défaut d’éliminer le plastique.
Caressant la vision de transformer les bouteilles plastiques en une monnaie capable d’acheter des biens et des services, les deux institutions s’investissent pleinement dans la collecte des matières plastiques recyclables à travers un système de collecte et de gestion qui repose sur deux principaux axes, à savoir la collecte directe des déchets plastiques et l’éducation à l’environnement.
« Dès son lancement officiel en 2015, Konbit Plastik, à travers son système de collecte et de gestion des déchets plastiques, a institué dans le pays un ensemble de programmes dont Éco-École, Éco-Quartier, Éco-Alpha et Éco-Entreprise », a fait savoir Séphora Pierre-Louis, la directrice de l’institution haïtienne.
Rien que pour l’année 2020, Konbit Plastik a pour sa part collecté plus d’un million neuf cent mille (1,900.000) livres de plastiques. Les opérations de collecte sont réalisées majoritairement dans la capitale haïtienne.
« C’est le fruit d’un travail assidu de plus d’une centaine de collecteurs mobilisés par le biais de nos différents programmes implémentés dans la région métropolitaine de Port-au-Prince et dans certaines villes de province, notamment Arcahaie et Petit-Goâve », a-t-elle poursuivi.
Partageant une mission commune, celle de lutter contre la pollution des océans tout en contribuant à la réduction de la pauvreté, Konbit Plastik et Plastic Bank misent sur une approche « éco-éco » en ce sens que leurs opérations conjointes contribuent à la protection de l’environnement et permettent aux bénéficiaires de générer des revenus dans leur communauté. Le bilan des travaux de Konbit Plastik en Haïti est ainsi évalué :
⇒ Plus 3,900.000 livres de plastiques collectées (2018-2020)
⇒ 110 familles bénéficiaires directes (2020)
S’engager en faveur de bonnes pratiques écologiques
Mettre en œuvre un système efficace de gestion des déchets constitue l’un des plus grands défis auxquels l’État haïtien est confronté. Pourtant, ce sujet est très rarement évoqué dans les débats publics. Comme on le sait tous, Haïti demeure un pays extrêmement fragile sur le plan écologique. Mieux gérer les déchets plastiques peut donc contribuer à la réduction des risques d’inondation et à l’amélioration des conditions de vie.
La dégradation accélérée de l’environnement aggrave le niveau de pauvreté de la population, provoque l’érosion des terres arables. Rien qu’en se limitant à ces deux aspects, la directrice de Konbit Plastik se rend compte que « si rien n’est fait, nous sommes tous appelés à disparaitre ». « Voilà donc le sens du combat engagé par Konbit Plastik aux côtés de Plastic Bank qui coordonnent leurs efforts pour s’attaquer à cet ennemi commun : la pollution plastique. Ces types de déchets provoquent une insalubrité indescriptible qui s’étend des milieux urbains aux zones rurales. Faute d’une gestion responsable, ils se retrouvent dans les canaux d’évacuation d’eaux entraînant ainsi des inondations qui emportent des vis et des biens surtout en période pluvieuse, et plus en aval, s’accumulent sur nos plages et polluent les fonds marins. Après avoir subi pendant très longtemps les conséquences des problématiques environnementales, il est temps d’agir », presse la représentante de Plastic Bank.
En préconisant une gestion responsable de ces types de déchets, Konbit Plastik encourage aussi la mise en place de stratégies visant à réduire les risques liés au changement climatique. Car, insiste-t-elle, selon une étude publiée en 2018 aux États-Unis dans la revue « PLOS ONE », des chercheurs ont attiré les projecteurs sur le fait que les déchets plastiques, également dangereux pour la faune, en se dégradant, libèrent des gaz à effet de serre contribuant ainsi au réchauffement climatique.
« Situé premier rang des victimes du dérèglement du climat, Haïti est appelé à influencer les décideurs de la planète en insistant sur le respect des engagements pris par ces derniers, et surtout à les harmoniser dans son processus de développement », renchérit la responsable de Konbit Plastik craignant, dans les années à venir, une aggravation des impacts du changement climatique.
Haïti en subit déjà les conséquences via les tempêtes tropicales qui s’abattent de plus en plus violemment sur la région. Or, si on se réfère à la quantité de CO2 émise dans l’atmosphère, Haïti ne figure pas sur la liste des pays grands pollueurs de la planète.
L’approche zéro plastique
Dans une société de consommation comme Haïti, la gestion des produits en fin de vie est devenue incontournable. Le développement de la filière du recyclage représente la piste de solution la plus envisageable, apte à y faire face.
« Nous vivons actuellement à l’ère du plastique, une matière devenue omniprésente. Penser à s’en débarrasser un bon matin n’est que pure illusion. A défaut d’une alternative à cette matière qui domine notre vie et notre planète, Konbit Plastik encourage la réduction et la réutilisation », affirme avec satisfaction la représentante de l’institution haïtienne.
« Les défis sont de taille ! Le plus complexe d’entre eux c’est la réticence des gens qui ne comprennent pas la nécessité de s’impliquer activement et de manière responsable dans la gestion des déchets qu’ils produisent », confie celle qui se bat pour une juste cause : « garantir un environnent vivable pour tous », classant ainsi le manque d’éducation au rang des problèmes majeurs qui provoquent la dégradation accélérée de l’environnement.
La place que devrait occuper l’éducation à l’environnement fait partie des activités de premier ordre dans la lutte. Car éduquer les jeunes en la matière les aidera à mieux saisir les conséquences de leurs actions sur la qualité de l’environnement et le lien qui existe entre cette dernière et la vie.
« C’est ce qui explique le bien fondé du programme Éco-École qui consiste, d’une part à sensibiliser le public scolaire en aidant les bénéficiaires à développer un comportement qui soit en harmonie avec leur environnement et d’autre part, il vise à collecter les emballages plastiques qu’on y retrouve quotidiennement. Dans le cadre de ce programme les établissements sont dotés chacun d’une poubelle destinée à la collecte des matières plastiques.
Ces poubelles, une fois remplies, Konbit Plastik se charge de transporter les contenus vers un de ses centres de collecte qui, à leur tour, les achemine vers les centres de recyclage partenaires. En termes de sensibilisation, ce programme a déjà touché plus d’une cinquantaine d’établissements scolaires », explique madame Pierre-Louis.
La logistique exigée par notre système pèse énormément dans la balance. Nous sommes aujourd’hui tentés par l’idée de doter chacune de nos villes d’un système de collecte qui puisse aider les administrations communales dans la gestion des déchets. « Mais un des freins à la matérialisation d’une telle idée c’est le manque de moyen de transport, à défaut d’un centre de recyclage dans chacune des villes ciblées qui puisse recevoir les plastiques collectés », reconnait la directrice. Actuellement Konbit Plastik travaille en partenariat avec trois centres de recyclage situés tous dans la région métropolitaine de Port-au-Prince.
Pour gagner la bataille contre la pollution de l’environnement, « Konbit Plastik » dit compter énormément sur l’implication active des membres de la population, premières victimes des impacts environnementaux. « Chaque communauté se doit d’emboiter le pas. Les membres de la population sont donc appelés à agir pour l’environnement pour ne pas subir les conséquences de leur propre passivité », martèle la directrice qui, sur cette même lancée, invite les acteurs étatiques à renforcer leurs stratégies de lutte pour la préservation de l’environnement. Cela doit passer par une large vision axée sur des approches modernes en conformité avec les objectifs de développement durable.
Kattia JEAN FRANCOIS
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