Aujourd’hui nous sommes face à trois (3) principales menaces qui sont : le réchauffement climatique, l’extinction des espèces et la dégradation de l’eau. « Dlo se lavi » tel un leitmotiv prononcé sans conviction par plus d’un tant notre rapport à l’utilisation de l’eau est catastrophique. Tant sur le plan de distribution que de la répartition, la gestion de l’eau est mauvaise.
Mauvaise distribution
En 1950, quand nous n’étions que 2,5 milliards d’habitants, la réserve mondiale d’eau disponible par habitant et par an était de 16 800 m³ ; pour 6,5 milliards en 2005, elle était de 7 300 m³ ; aujourd’hui, en raison de la dégradation des sols, de l’accroissement de la population mondiale, des changements climatiques, de l’urbanisation et des sécheresses répétitives pour 8 milliards d’habitants elle est de 4 800 m³. Or, nous savons que la distribution de l’eau n’est pas équitable et que 1,5 milliard de personnes étaient en situation de stress hydrique en 2008 (stress hydrique : moins de 1700 m³ par habitant et par an).
Aujourd’hui, alors que nous sommes 8 milliards d’habitants sur terre, 3 milliards d’entre nous seraient en situation de stress hydrique. 3,6 milliards de personnes, selon le spécialiste en eau Gérard PAYEN, consomment de l’eau non potable. Notons que 10 080 personnes meurent chaque jour en raison d’une eau insalubre. Point besoin de faire le calcul puisque c’est un total de 3,6 millions de décès chaque année en raison de l’absence de l’effectivité du droit à l’assainissement qui devrait être un droit capital.
Mauvaise répartition
Selon le professeur Jean Marc Lavieille, 97 % de l’eau présente sur terre est salée. 70 % du reste de l’eau douce est sous forme de glaces ou de neiges. Les eaux douces représentent 35 millions de km³ sur 1,4 milliard de km³ du total des eaux de la planète. L’eau, cette richesse naturelle qu’on surnomme l’or bleu, se fait de plus en plus rare dans certaine région ; c’est à se demander si l’humanité ne manquera pas sévèrement d’eau dans un avenir proche. On qualifie donc d’utopie l’objectif 6.1 des ODD qui prévoit un accès universel et équitable à l’eau potable, à un cout abordable. Si elles ont un impact important sur la pollution des eaux, particulièrement des nappes souterraines, 15 % de la consommation mondiale de l’eau est faite par les industries. L’industrie textile quant à elle, pour produire un seul t-shirt, dépense 2 700 litres d’eau et pour produire un seul jeans, soit 11 000 litres. Les activités de l’industrie textile engloutiraient 93 milliards de m³ d’eau par an, selon la Fondation Ellen MacArthur. Autre que l’industrie textile, la consommation en eau par habitant varie d’un pays à un autre.
300 jusqu’à 600 litres d’eau par jour, c’est ce qu’utilise un habitant des États-Unis contre 150 litres pour un habitant de l’Union européenne. 10 litres par jour pour les plus chanceux en Haïti alors que pour la plupart des habitants de ce pays, le ratio se situe entre 4 à 6 litres d’eau par jour. Certains en disposent de moins puisqu’ils n’ont d’autre espoir que d’attendre cet or bleu frayé son chemin dans le ciel jusqu’à eux sous forme de pluie, tant l’accès à l’eau est difficile dans leur localité, sans parler de cette longue sécheresse qui sévit depuis le début de l’année 2023.
Réglementation
La prise d’une conscience écologique au niveau international en matière de dégradation de l’eau est vieille de plus d’une cinquantaine d’années. Le Conseil de l’Europe a adopté la Charte de l’eau en 1968 et le texte stipule que « l’eau n’a pas de frontière ; les ressources en eau ne sont pas inépuisables ; lorsque l’eau, après utilisation, est rendue au milieu naturel, elle ne doit pas en compromettre les usages ultérieurs… » d’autres textes plus contraignants tels que la Convention d’Helsinki de 1992 sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontières et des lacs internationaux et la Convention de New York de 1997 sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau à des fins autres que la navigation ont vu le jour. En Haïti c’est la Loi-cadre de mars 2009 portant Organisation du Secteur de l’Eau potable et de l’Assainissement qui traite de la question.
Malgré cet arsenal juridique, manque de volonté ou pas, la dégradation de l’eau est de plus en plus patente. En ce 22 mars qui marque la journée mondiale de l’eau, il convient de réfléchir sur notre rapport à la gestion de l’eau quant à une distribution qui est une répartition réellement équitable. Les politiques publiques en matière d’assainissement et de protection des eaux douces doivent être une priorité pour Haïti, considérant les divers problèmes environnementaux auxquels le pays est confronté. Aussi, la promotion de comportements citoyens en faveur d’une utilisation optimale de l’eau est adéquate pour réduire le gaspillage de l’eau.
Source : LAVIEILLE Jean-Marc, DELZANGLES Hubert, LE BRIS Catherine, Droit international de l’environnement, 4e édition, éditions Ellipses, Paris, 2018
Me Insky PIERRE-LOUIS
Président de la Youth Lead Initiative For Environment (YLIFE)
Master II en Droit international de l’environnement
Masterant en Management des ONG