Tout juste un après « Enquête et action » de Milo Milfort, c’est le tour de « Haïti Climat » de Patrick Saint-Pré de faire l’honneur d’Haïti au Prix Francophone de l’innovation dans les médias 2020 qui concerne 88 états et gouvernements membres de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Pour le journaliste qui a trouvé sa voie dans le vert au retour de sa couverture de la Cop 21 en 2015, cette mise en lumière l’encourage à aller de l’avant.
Patrick Saint-Pré, que l’on appelle couramment PSP, comme la version mobile de la gamme de jeux PlayStation, n’est pas né avec la conscience écologique. La vie va la lui imposer de force, même inconsciemment. « J’avais la vie de n’importe quel jeune homme en 2004, quand le cyclone Jeanne a endommagé Les Gonaïves, ma ville natale. J’étais un peu plus âgé, avec le pouvoir de placer quelques mots sur le désastre en 2008 quand Hannah et Ike ont failli emporter ma demeure. Mon avis à l’époque se limitait aux traditionnelles complaintes de sinistrés », confie-t-il.
Quand l’ancien de la Faculté des Sciences humaines débarque au quotidien Le Nouvelliste en décembre 2013, il est généraliste comme tout débutant, jusqu’à ce voyage à Paris pour la couverture de la Cop 21. « J’avais eu le choc de ma vie. Il y avait des chefs d’États du monde entier, des journalistes ô combien rodés sur le sujet. J’ai réalisé combien j’avais des lacunes dans le domaine, mais aussi combien la presse haïtienne ne fait pas cas de cette spécialité », explique-t-il.
Dans l’avion pour le retour au bercail, plein d’idées lui trottent à l’esprit. En très peu de temps, avec des frères et sœurs du métier tout aussi convaincus de la nécessité d’imposer l’écologie dans le menu de la presse haïtienne, Patrick Saint-Pré monte l’Acledd (Action pour le climat, l’environnement et le développement durable). L’incursion n’est pas une sinécure pour la plateforme sur un terrain partagé sans merci par la politique et le sport. En effet, il constate que l’environnement et le climat ne font les manchettes qu’en cas de dégâts importants occasionnés par les cyclones ou d’autres intempéries et que les journalistes formés dans le cadre de sa plateforme peinent à s’imposer à leur retour dans leur rédaction respective. C’est ainsi donc qu’il a monté le réseau « Haïti Climat » en mai 2019.
« Haïti Climat » est une plateforme multimédia qui se dédie au sujet, avec d’abord le site haiticlimat.org comme socle, mais aussi un rendez-vous chaque jeudi sur Magik 9 à 9 h a.m. avec reprise dans la soirée. Chaque épisode fait l’objet d’un article dans Le Nouvelliste du week-end.
La jeune structure, ne disposant pas de grands moyens de fonctionnement, a trouvé une stratégie frugale et bien efficace. Elle en appelle à la tâche les journalistes fraîchement sortis des universités et des écoles de journalistes. « Il y a un double avantage à cela : de un, ils sont jeunes donc plus aptes à être conscientisés à l’environnement ; et de deux, ils garnissent leur CV avec une formation-stage de 3 mois dans une filière de plus en plus importante dans le monde », explique PSP.
Le prix Francophone de l’innovation ? Le journaliste s’est dit pourquoi pas, lui qui en général n’aime pas prendre part à des compétitions. Il postule en mai et la pandémie aura contribué à retarder la promulgation des résultats. En ce matin du 18 novembre 2020, la bonne nouvelle lui parvient. « J’éprouve des sentiments divers. Ma matinée s’amorce avec des appels de partout d’encouragement, de sollicitations. Cela me fait comprendre qu’on a pris un bon risque en nous engageant dans cette direction, mais aussi cela m’encourage à aller de l’avant », confie le gagnant. À cause du confinement, la cérémonie de collation des primes n’aura pas lieu en présentiel à Paris comme c’était prévu. C’est via un live Facebook, diffusé sur les pages de RFI, France 24 et OIF, que les lauréats seront primés.
Patrick est reconnaissant envers Mélissa, son épouse, pour son soutien indéfectible. « Elle a dit oui depuis le premier jour à cet engagement écologique. Elle accepte et surtout comprend le fait que je dois constamment voyager pour participer à des rencontres. » . Valéry Fils-Aimé son bras droit dans le projet dès le début. Il remercie : Max Chauvet, directeur du Nouvelliste, et Frantz Duval, le rédacteur en chef, qui ont endossé Haïti Climat sans broncher ; des partenaires financiers dont Fokal et l’Ambassade de France en Haïti, pour leur soutien inconditionnel ; et aussi les auditeurs les internautes, les lecteurs du Nouvelliste, qui participent selon lui à ce chantier d’innovation qui a attelé l’attention du jury.
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