La localité de Haut-Fourneau abrite la plus grande réserve et la plus riche diversité de mangroves pour tout le département du Nord-Ouest. Les activités humaines liées à la surpêche, l’urbanisation sauvage caractérisée par le manque d’infrastructures sanitaires, le déboisement et la mauvaise gestion des déchets fragilisent et mettent en péril l’existence de cette biodiversité.
« Je ne suis pas né à Haut-Fourneau mais je vis ici depuis plus de 8 ans dans la communauté. Les activités liées au déboisement et à la pêche pouvaient être stoppées. Toutefois, comment veux-tu que cela cesse quand c’est le seul moyen que disposent les personnes pour s’occuper de leur famille ? », s’exaspère Jimmy qui parle des conditions de vie en général dans la région.
Situées au pied du bassin versant Cordier qui borne la route de Jean-Rabel, les constructions anarchiques et la déforestation des mornes font que les mangroves sont menacées d’ensablement.
Faute de blocs sanitaires et la récurrence du problème de gestion des déchets, etc., l’espace des mangroves est fréquemment utilisé soit comme poubelle, soit comme endroit pour faire ses besoins (se déféquer).
Pour remédier à ces pratiques dévastatrices et nocives pour l’environnement dans un milieu où l’inondation est très fréquente, le consortium d’organisations formées d’Agribel, GAFE Haïti et Join for Water se joint à la population locale pour lutter contre le déboisement de cette forêt côtière et œuvrer pour déclarer les mangroves de Haut-Fourneau aire marine protégée.
« Grâce aux fruits de nos démarches, l’ANAP (Agence Nationale des Aires Protégées) a effectué plusieurs voyages dans le Nord-Ouest dont une première visite de reconnaissance suivie d’une autre pour la délimitation de l’espace. Ceci montre que nos efforts n’ont pas été vains », se sont réjouis plusieurs responsables de ces structures.
Multipliant les efforts de résilience comme la facilitation de l’accès de la communauté aux services d’hygiène et d’assainissement en eau potable pour contrer la dégradation environnementale, le responsable de l’exécution de plusieurs projets au sein de la localité de Haut-Fourneau de concert avec d’autres organisations se montre très optimiste à l’idée des retombées de ces travaux.
La réalisation de l’éducation des riverains sur l’importance des mangroves en tant barrière de protection de la côte en cas de tsunami, la diversification des ressources des habitants en termes d’activités génératrices de revenus, l’emphase mis sur la sensibilisation à l’environnement, telles sont en somme les résultats escomptés par ces ONG dans une logique d’actions et de développement durable.
En guise d’accompagnement par rapport aux démarches pour la déclaration des mangroves de Haut-Fourneau aire marine protégée, le directeur départemental du Nord-Ouest (DDNO) pour le ministère de l’Environnement agronome Luckner Noël a souligné que diverses étapes importantes ont été franchies.
Parmi les avancées, le cadre du MDE a cité la phase de reconnaissance des lieux et la phase de délimitation des 350 hectares de superficie couverte par les mangroves. Cependant, d’après le technicien l’étape la plus importante reste la désignation de l’espace occupé par les mangroves d’utilité publique qui, selon lui, prendrait le plus de temps.
Par ailleurs, quant à la mauvaise gestion des déchets et de l’utilisation de l’espace La Saline (partie en amont des mangroves) comme site de décharge, le représentant départemental du ministère de l’Environnement (MDE), a fait valoir son total désaccord vis-à-vis de cette pratique.
« Lors d’une rencontre tenue à l’hôtel Breeze Marina, le 24 octobre 2023, il a été mentionné pour les institutions présentes comme la Mairie de Port-de-Paix, la Direction des Travaux Publics Transports et Communication (TPTC), et également la presse qu’une résolution en circulation interdit de jeter des déchets et de la boue à La Saline parce que les mangroves de Haut-Fourneau est sur le point d’être déclarées aires marines protégées », a-t-il rappelé
Dans l’attente de la publication d’un arrêté dans le journal Le Moniteur déclarant les mangroves de HAUT-FOURNEAU aire marine protégée, les efforts concertés des organisations et associations ont doté cette communauté d’un minimum d’infrastructures dont trente impluviums d’une capacité de 400 gallons chacun ont été installés pour trente familles (AGRIBEL, appel à projet du PNUD avril 2020 pour une réponse communautaire à la Covid-19). D’après plusieurs leaders d’OJEMOLA (Òganizasyon pou Jere Mangwov Ofouno Lasalin), quoique les besoins soient encore là, arriver à faire reconnaître l’importance des mangroves et à les protéger symboliserait une victoire pour toutes les organisations qui œuvrent en ce sens.
Kepsen Monestime
Un reportage d’ACLEDD grâce à un financement de la FOKAL