La Conférence de Charm el-Cheikh de 2022 sur les changements climatiques, appelée encore COP27, est lancée ce 6 novembre pour prendre fin le 18 novembre prochain. Cette conférence internationale organisée par l’Organisation des Nations unies au bord de la Mer rouge en Égypte regorge d’enjeux et de priorités.
L’équipe de l’émission Haïti Climat, diffusée chaque jeudi sur les ondes de radio Magik9 (100.9) de 9 h à 10 h, a démarré sa série d’émissions sur cette Conférence des Parties (COP). L’invité a été le directeur de l’Observatoire national de la Qualité de l’Environnement et de la vulnérabilité (ONQEV), Raoul Vital, autour du thème « COP 27 : retour sur les enjeux et les priorités de la République d’Haïti ». Retour sur cette émission qui présente les ambitions d’Haïti pour ce sommet.
Patrick Saint-Pré et Kattia Jean-François ont entretenu leur invité sur les spécificités de cette Conférence des Parties (COP), les priorités d’Haïti et ses positions. Le Cadre du ministère de l’Environnement (MDE) a fait une mise en contexte d’entrée de jeu et a rappelé qu’une COP désigne couramment la « réunion annuelle des États pour fixer les objectifs climatiques mondiaux ». Ces pays adhèrent à un instrument international et participent à la réunion des Parties afin de savoir comment s’effectue la mise en œuvre de cet instrument international. La première COP a eu lieu en 1995 en Allemagne et ce qui se tient en Égypte est la 27e.
L’objectif ultime de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) est de maintenir l’augmentation de la température à un niveau qui ne dérange pas l’équilibre du globe terrestre. À partir de 2015, durant la COP21 à Paris, le niveau de température à ne pas dépasser est fixé à 1,5 degré Celsius. Les COP ont dès lors l’obligation de regarder comment les pays ou États avancent dans leurs politiques publiques afin d’atteindre cet objectif de limitation de température.
La COP est un espace de négociation, car les problèmes climatiques mêmes en étant prouvés par la science, les actions à mettre en place pour y remédier soulèvent des intérêts économiques très importants. Pour cela les Parties doivent apporter des solutions sans bloquer le processus de développement économique dans leurs pays, les négociations portent donc sur la contribution et l’engagement de chaque Partie pour aborder ce problème mondial.
Les enjeux de la COP 27
1- COP de l’implémentation
Selon M. Vital, la COP 27 est appelée COP de l’implémentation, car comme il l’a rappelé plus tôt, en 2015, en France, on avait adopté l’Accord de Paris. Durant les COP qui suivent la 21e, soit la COP 22 jusqu’à la COP 26, les pays ont beaucoup travaillé sur des directives de mise en œuvre des articles figurant dans l’Accord de Paris. Ce processus étant bouclé, nous devons maintenant passer à la phase de mise en œuvre. Cet aspect est très important et c’est le premier facteur qui rend la conférence de cette année spéciale.
2- Les éléments de contexte
a) D’abord, la guerre en Ukraine. C’est un contexte qui crée une sorte de polarisation, d’où nous avons des groupes pro russes et des groupes contre. Ce malaise va aussi s’exprimer dans les espaces de négociations et il aura son poids.
b) Ensuite le relèvement postCovid. La pandémie a eu beaucoup d’impact sur l’économie de certains pays. Maintenant qu’ils sortent de la crise, ces pays travaillent sur la mise en place de projets de relance économique, ce qui fait que les pays donateurs qui contribuent beaucoup dans les actions climatiques ont des problèmes internes à résoudre. Il y aurait donc moins de financement disponible pour d’autres actions dans d’autres endroits.
c) Enfin, son lieu d’organisation. Appelée aussi COP de l’Afrique, les pays africains se positionneront à l’intérieur de la conférence pour reconnaître des circonstances particulières qu’ils connaissent afin qu’on puisse les considérer dans les décisions.
« Ce sont, entre autres, les quatre enjeux qu’on ne retrouvait pas dans les précédentes réunions, mais qui influenceront les débats à la COP 27 », précise le point focal du MDE sur le processus du Plan national d’Adaptation. Autre enjeu à considérer est la version actualisée de la Contribution déterminée au niveau national (CDN), car les pays devraient soumettre leur version révisée de leur CDN. Sur 193 pays, selon les Nations unies, seuls 23 pays ont envoyé leur nouvelle CDN avant cette COP 27 comme sommée lors de la COP 26 en 2021. Parmi eux, Haïti.
Les priorités d’Haïti au sein des espaces de négociation
« La position numéro un concerne l’adaptation, car, n’oubliez jamais, Haïti n’est pas un grand émetteur de gaz à effet de serre (GES). Ce que nous émettons n’est qu’une infirme partie [dans la production mondiale] », a argumenté Raoul Vital qui précise que l’adaptation est donc notre priorité. Pendant l’année 2022, nous avons complété notre Plan national d’Adaptation (PNA) pour le changement climatique qui montre des secteurs clés où nous pouvons renforcer la capacité de résilience du pays, a informé le directeur de l’ONQEV. Pour l’adaptation, selon lui, l’une des positions que nous allons défendre concerne les petits États insulaires en développement : fixation d’objectif global d’adaptation.
Le négociateur nous a appris que notre défense tourne aussi autour des moyens pour accélérer la mise en œuvre du PNA, car le 6e rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) montre que les changements climatiques causeront de sérieux impacts sur les pays ou États vulnérables. L’adaptation s’avère donc indispensable. « Les États insulaires mettent aussi beaucoup d’accent sur les pertes et préjudices liées aux effets des changements climatiques », a souligné le cadre du ministère de l’Environnement. Il avance que la question est historique dans les négociations dans la mesure où ces pays subissent des chocs énormes en rapport aux changements climatiques et n’ont pas la possibilité de se relever. « On va demander de renforcer le mécanisme de Varsovie et de tenir compte des aspects ‘’pertes et préjudices’’. Aussi, comptons-nous solliciter un mécanisme financier capable d’adresser les pertes et préjudices liées aux changements du climat », a-t-il annoncé.
Nous allons miser également, selon les dires du directeur, sur l’atténuation, en dépit du fait qu’on n’est pas un grand émetteur de GES, car les mesures d’atténuation possèdent des co-bénéfices pour l’adaptation. Si nous investissons dans des projets de reboisement par exemple, d’une part il nous permettra de séquestrer du carbone et réduire notre impact sur l’environnement (atténuation), d’autre part, il nous aidera à raffermir nos terres et à aménager nos bassins versants afin qu’ils puissent avoir moins d’impact quand nous avons des événements climatiques tels que la pluie (adaptation). L’aspect financement et les mécanismes de financements sont également très importants dans ces débats, ils feront partie de notre exposé.
À rappeler qu’Haïti se trouve dans trois coalitions pour ces deux semaines de négociation : la première regroupe les Petits États insulaires en développement (PEID), la deuxième coalition se compose des pays moins avancés (PMA), et la troisième réunit le groupe des 77 et la Chine.
Woo-Jerry Mathurin
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