« La situation foncière en Haïti et ses impacts sur l’environnement et l’aménagement du territoire », tel a été le thème de l’émission du jeudi 28 janvier 2021 de « Haïti Climat » avec pour invité l’avocat Gaddy Limage, spécialiste en droit foncier et écrivain. Il est donc le dernier intervenant à être reçu dans le cadre de la série d’émissions spéciales lancées en marge de la commémoration des 11 ans du passage du séisme du 12 janvier 2010 et traitant de gestion des risques et désastres, de résilience, d’urbanisation et de régime foncier dans le pays.
Toute l’histoire d’Haïti est jalonnée de soulèvements pour des questions liées à la terre. Jusqu’à aujourd’hui, la réforme foncière est toujours à l’ordre du jour. On essaie de la concilier avec l’aménagement du territoire et l’environnement dans une perspective de durabilité. L’aménagement du territoire et l’environnement sont, à l’évidence, complémentaires mais quant au régime foncier, on n’a pas pensé à les associer. Pourtant, il est nécessaire de nouer les liens entre eux pour que le renouveau d’un régime foncier en Haïti soit respectueux de l’environnement.
Si l’on sait que les espaces non gérés ne peuvent être attractifs, protégés et sont voués à la pauvreté, le problème du foncier en Haïti paraît pourtant complexe. « Il nous faut avoir une force publique qui agit sur le terrain pour contrôler le bâti. Pour y arriver, la constance dans la gouvernance est recommandée », a plaidé Me Gaddy Limage. La vision globale de l’État est très importante dans l’application d’une politique de copropriété et de construction de manière verticale, ce qui implique non seulement la participation de l’État mais aussi celle du secteur privé et les membres de la société civile, a-t-il poursuivi. Il a souligné que la construction en hauteur faciliterait un meilleur aménagement du territoire plus compatible à la protection de l’environnement.
La problématique haïtienne de construction est de taille, face à un État de plus en plus faible. Les évolutions de ces dernières années ont créé des espaces plus occupés qui ne sont pas favorables à l’environnement. Selon le spécialiste, si l’État n’intervient pas dans les modes et les formes de constructions, le résultat débouchera toujours sur un pays parsemé de bidonvilles et de zones précaires très dégradées avec une circulation toujours difficile et inaccessible. A en croire l’invité, la bidonvilisation n’est pas en soi une fatalité. « La fatalité, c’est de ne pas la gérer adéquatement », a souligné Me Limage. En ce qui concerne la bidonvilisation, il est indéniable de ne pas la lier à la question démographique. « En Haïti, au fur et à mesure que la population augmente, les bidonvilles seront aussi en augmentation. De ce fait, l’Etat doit avoir le contrôle sur ce qui se fait avant et non après » a-t-il préconisé.
Nous assistons de nos jours à une baisse de la production agricole et un retrait de la population active. M. Limage encourage donc de la part de l’État une bonne répartition des terres cultivables, du domaine public de l’État et des terres privées tout en mettant des restrictions sur le morcellement, tout en reconnaissant qu’il ne s’agit pas d’une tâche aisée. Le fait est qu’il ne peut y avoir de développement sans la gestion foncière. Cette action est, selon lui, tributaire de l’aspect environnemental et de l’aménagement du territoire dont il a été question durant l’interview et c’est de là qu’on pourrait espérer une solution durable.
Touchant également la question de décentralisation, M. Limage a indiqué qu’elle n’est pas indissociable à l’environnement. Les autorités doivent envisager une nouvelle délégation de pouvoir limitant les phénomènes de concentration dans la capitale tout en donnant des moyens aux autorités locales pour qu’elles ne soient plus aussi dépendantes des autorités centrales.
L’aspiration à un cadre de vie de qualité doit nous conduire à la recherche d’une meilleure prise en compte de l’environnement, si l’Etat veut redessiner une nouvelle architecture de l’environnement et la réforme du cadastre en Haïti.
Kattia Jean François