Moïse Clermont, quadragénaire, exerce ses activités de pêche dans la mer de Saint Jean du Sud depuis son enfance. Dès son ascension à la tête de l’association de pêche de sa région, il a abandonné progressivement la pêche à la senne pour s’aventurer dans la pêche à la ligne et du coup se rapprocher d’une pêche plus responsable. « Avec ce nouveau modèle de pêche, nous allons pêcher loin du rivage. C’est une délivrance. Nous attrapons des poissons plus gros et du coup, nous gagnons plus d’argent » a confié Clermont Moise, président de l’Association de Pêche de Saint Jean du Sud (APSS).
Partant du bord de mer de la Savane des Cayes, passant par les rivages de Torbeck et de Saint-Jean du Sud, la plupart des pêcheurs utilisent des outils archaïques pour pratiquer la pêche. Robenson Bernard pêcheur dans la localité de Grand Bouchie à Torbeck et Jean Damas François, pécheur de Saint-Jean du Sud nous décrivent les outils de pêche utilisés le plus souvent dans leurs zones. « Nous utilisons la senne, le filet, le »Tranmaille », la ligne et le palan » disent-ils.
Si la majorité des pêcheurs continuent à faire usage des méthodes anciennes, ceux issus des organisations de pêche utilisent des chaloupes pour aller pêcher très loin du rivage. Ce qui est une délivrance si l’on croit le président de l’Association de pêche de Saint Jean du Sud, Moïse Clermont.
Mais, ces pêcheurs de poisson n’ont pas de période de pêche, seul le mauvais temps les freinent. « Quand le temps est clément, nous allons pécher du lundi au vendredi. Quand il n’y a pas de pêche, nous intercalons nous sorties sur la mer » a déclaré Donaldson Felix, secrétaire de l’Organisation pour le développement de la pêche des Cayes, ODPEC. Selon Jean Damas François, la pêche artisanale est un moyen de subsistance. Il a rapporté qu’« ils sont obligés de prendre la mer quotidiennement pour nourrir leurs familles. »
Pourtant, la surpêche devenue un problème mondial génère de graves répercussions sociales, environnementales et économiques telles la perte de la biodiversité et un déséquilibre des écosystèmes marins, une surexploitation d’environ 80 % des stocks de poissons ainsi qu’une perte d’emploi pour les petites structures de pêche.
Par ailleurs, il est difficile qu’un pêcheur attrape une espèce protégée ou en voie de disparition et la relâche par la suite. C’est un manque de sanction qui est à la base de ce comportement émanant des marins, selon le président de l’APSS, Moïse Clermont. « Le pêcheur ne lâchera jamais une tortue qui peut lui rapporter entre 5 à 7 mille 500 gourdes. S’il y avait des lois, il ne ferait pas ça » a déploré le président de l’APSS.
Les organisations de pêche n’ont pas encore fait la connaissance de la pêche dite responsable ou durable. Pourtant, ils se dirigent peu à peu vers des pratiques moins destructives dans l’espace maritime. C’est le cas de l’APSS qui voudrait que la pêche à la senne et au filet soit abandonnée à Saint Jean du Sud, mais faute de moyen, son organisation se limite à former ses membres et sa communauté. Du côté de l’Organisation pour le développement de la pêche des Cayes, ODPEC, un contrôle rigoureux s’effectue sur la taille des poissons que les pêcheurs rapportent. Bien que beaucoup se plient aux principes, d’autres se montrent parfois réticents à cause de leurs problèmes économiques, a informé Donaldson Felix.
Selon le fondateur et directeur de la Fondation pour la biodiversité marine, Jean Wiener, la pêche responsable est celle où le pêcheur utilise des méthodes qui lui permettent de toujours trouver dans la mer les ressources à tout moment. Cela permet de laisser assez de ressources pour qu’elles puissent se reproduire et que les générations présentes et futures puissent en trouver.
Selon lui, les pêcheurs ne respectent pas les méthodes de la pêche durable, les saisons de pêche et épuisent les ressources à cause des outils qu’ils utilisent. Il propose de changer les équipements de pêche, effectuer des séances de formations, renforcer les lois existantes et donner aux pêcheurs d’autres alternatives pour gagner leur vie.
Grâce aux supports de plusieurs organisations non gouvernementales envers les organisations de pêche, plusieurs améliorations ont été remarquées. En utilisant les maigres matériels qu’ils ont reçus, ils ont pu laisser le rivage pour aller pêcher un plus loin. Ce qui a pu aider à réduire la destruction massive sur les alevins et permettre aux pécheurs d’abandonner une série d’outils de pêche qui détruisent l’environnement et l’écosystème marin. Et, selon ce qu’ont rapporté les pêcheurs, s’ils sont formés, reçoivent de l’accompagnement, bénéficient d’autres alternatives et l’implication de l’État dans le secteur, peu à peu, ils arriveront à s’adapter à une pêche durable dans les côtes Sud.
Jordany Junior Verdieu
Avec le financement de Haïti Climat et Studio Canek