Depuis plusieurs mois, il n’a pas plu dans le Sud jusqu’au début du mois d’avril. Cette situation a provoqué une sécheresse sans précédent. Le niveau des nappes continue de baisser, le débit de l’eau dans les rivières ne cesse de diminuer. Ce manque d’eau affecte le sol et la végétation. Dépendant d’une agriculture pluviale, les agriculteurs de Fonfrède, deuxième section communale des Cayes, sont en grandes difficultés pour exercer leurs activités.
Des nuages de poussière s’élèvent sur la route de Fonfrède à chaque véhicule qui passe. Les habituelles marres d’eau sur la route en terre battue sont asséchées depuis belle lurette. Il n’a pas plu depuis novembre 2022, les agriculteurs et les planteurs sont aux abois. Des bêtes meurent de soif. « 16 bœufs sont morts de soif en une semaine. La situation nous dépasse. Les paysans ont perdu toutes leurs récoltes. Nous sommes aux abois », indique Pierre Lébert Darbouze, membre du Conseil d’administration de la section communale de Fonfrède.
Même pour les simples activités quotidiennes l’eau se fait rare par endroit. Les habitants de plusieurs localités de la région ont du mal à trouver le liquide précieux pour leurs activités quotidiennes. Les paysans évoquent l’irrigation qui fait défaut pour cultiver leurs petites parcelles. Ils attendent dame pluie, en vain. Sous un soleil de plomb, une charrue laboure un champ. Simon et quelques collègues sèment du gombo et du haricot après quelques gouttes de pluie la veille. « Notre plus grand souci comme planteurs dans la plaine des Cayes est la question d’irrigation, avance Simon. Il ne pleut pas souvent. Les plantations sont à la merci du ciel. Deux gouttes de pluie chaque mois seraient la bienvenue… », explique le planteur, casquette sur la tête.
Un peu plus loin, Maurice Mathieu, président de l’association des planteurs de Fonfrède, observe avec peine la situation des planteurs et des éleveurs dans la section communale. « L’absence de canaux d’irrigation est un vrai casse-tête pour les paysans, dit-il. La pluie se fait de plus en plus rare, les planteurs sont en grande difficulté. Sans la pluie, le planteur ne peut pas travailler. D’autant plus que nous ne recevons aucun accompagnement de l’Etat. C’est compliqué », avance Maurice Mathieu.
C’est le même constat du coordonnateur du Conseil d’administration de la deuxième section communale des Cayes, Kendrick Smay Maisonneuve. « La sécheresse plonge les paysans dans une situation difficile, constate-t-il. Les réalités climatiques ont changé, on coupe tellement d’arbres pour produire du charbon. La sécheresse est terrible. Des éleveurs sont obligés de couper des branches d’arbre pour nourrir leurs bétails. Les planteurs ont besoin de systèmes de pompage solaire pour irriguer leurs champs. Le désespoir se lit sur le visage des paysans », avance M. Maisonneuve.
Cette année, la sécheresse a même retardé la campagne agricole de printemps. « C’est l’une des plus grandes campagnes agricoles du pays, qui est exécutée dans les plaines pluviales, dans les montagnes humides et sur les périmètres irrigués. 60% de la production agricole annuelle en dépendent », explique le directeur départemental du ministère de l’Agriculture dans le sud, l’agronome Marcelin Aubourg. Selon lui, la situation serait encore plus difficile si les planteurs perdaient cette campagne agricole. Tout en soulignant les efforts du ministère de l’Agriculture pour exploiter les espaces irrigués, l’agronome Aubourg souligne que le ministère travaille pour augmenter les périmètres sur trois communes (Aquin, Cayes et Torbeck) à travers le projet d’appui à l’irrigation dans le Sud.
Avec le changement climatique, la pluie devient de plus en plus rare sur la planète. En Haïti, de nombreux experts estiment que les autorités devraient réfléchir sur d’autres moyens de conserver l’eau afin que les agriculteurs puissent continuer à cultiver en période de sécheresse.
Rose Bertha Denestant