Intervenant sur la nécessité d’un plan d’adaptation au changement climatique pour le secteur de la santé en Haïti à l’émission « Haïti Climat » sur la radio Magik9, le jeudi 23 juin 2022, Dr Kenzy Jean Pierre, coordonnateur général de l’Observatoire sur la Santé et le Climat (OSCH) a souligné que les impacts du changement climatique sur la santé s’avèrent très nombreux et pertinents eh Haïti.
Selon Dr Kenzy Jean Pierre de l’Observatoire sur la Santé et le Climat (OSCH), le phénomène pose problème tant au niveau des institutions sanitaires qu’au niveau de la santé humaine. En tenant compte de certaines zones géographiques qui sont particulièrement exposées aux catastrophes naturelles, il a fait état de beaucoup de problèmes de santé liés aux effets du changement climatique. Assez souvent les dispensaires de ces zones ne sont pas résilients au point de continuer à desservir la communauté suite à un événement naturel. « Très souvent ils sont les premiers endroits dysfonctionnels », regrette-t-il. Un cyclone causant beaucoup de victimes pourrait obliger la désaffectation. Ce qui retardera les programmes de santé en cours.
Ajouté à cela, le système sanitaire fait face à la rupture de stock. D’après le Dr Pierre, en cas de catastrophe, les hôpitaux utilisent plus d’intrants. Il y a aussi l’indisponibilité de certains services si les personnels sont affectés. Le problème de l’eau et d’assainissement est également pesant pour les institutions sanitaires au moment des catastrophes. Elles sont devenues insalubres. « Si le travail de sanitation n’est pas bien fait, il pourra provoquer des infections nosocomiales », a fait savoir le médecin. En ce qui concerne la santé humaine, les conséquences sont encore plus importantes. Suite aux pluies torrentielles, des traumatismes, des décès et des blessés sont à prendre en charge. Et ce n’est pas tout. L’impact des effets du changement climatique sur la santé humaine est à craindre.
Quid du stress lié à la chaleur en Haïti
Selon le médecin, la chaleur en soi pose des problèmes de santé. N’imaginez même pas son augmentation. « Le heat stress est l’un des problèmes de santé causés par le phénomène du changement climatique », a-t-il rappelé. Pour en donner une idée, Dr Pierre a fait référence à la canicule en France, en août 2003. Une vague de chaleur qui a causé 15 mille morts environ. Un rapport sur toute la saison estivale sortie en 2007 a fait état d’un bilan de près de 20 mille décès. « Le stress de chaleur est alarmant en Haïti », a expliqué Dr Pierre. Plus vos activités se font à l’extérieur, plus vous êtes opposés », a-t-il ajouté.
Sachant que majoritairement les activités économiques du secteur informel en Haïti se réalisent à l’extérieur, les commerçants.es, les paysans, et autres, sont très exposés.es. Ensuite, les maladies cardiovasculaires. Selon lui, par le fait que le corps essaie constamment de compenser la chaleur, à un certain moment, le cœur pourrait lâcher. « Les maladies cardiovasculaires sont listées dans le top dix des maladies causant plus de morts en Haïti », a-t-il informé.
L’hypertension peut être à la base des strokes tout comme la chaleur. Cependant, vue la charge élevée d’hypertendus en Haiti, on s’attarde à mettre tous les cas de store sur le dos de l’hypertension. Le manque d’études nous empêche d’apprécier l’impact de la chaleur sur les cas de strokes en Haiti. Cependant, d’après World Life Expectancy, Haïti est le 14e pays au monde avec un plus grand nombre de stroke.
Augmentation des maladies diarrhéiques
Pour enchaîner, il a parlé de la rareté des denrées occasionnée par le changement climatique. « Les denrées sont devenues rares et ceux qui sont cultivés n’ont pas assez de nutriments », a-t-il fait savoir. Alors que les denrées ne sont pas accessibles à tous, la malnutrition fait donc surface. En Haïti, il y a plus de 4.5 millions d’habitants en situation d’insécurité alimentaire. De plus, à défaut de latrinisation dans certaines régions, les gens font leurs besoins à proximité des eaux utilisables. Lorsqu’il pleut, des substances néfastes à la santé se transportent dans l’eau. Contamination assurée.
« C’est pourquoi l’augmentation de la pluviométrie en Haïti augmente également les maladies diarrhéiques, les typhoïdes, etc. », a signalé Dr Pierre. Quant à la sécheresse, elle favorise les maladies hygiéniques selon le Dr Pierre. La gratelle par exemple. L’augmentation de la morbidité de certaines maladies vectorielles qui sont saisonnières due au changement du climat. « Elles sont restées plus longtemps, car le climat est favorable à leur prolifération », a fait savoir Dr Pierre.
Au reste, les maladies zoonotiques qui sont responsables d’un bon nombre de pandémies, comme Ebola, Zika, Dengue, coronavirus, etc. dans le monde. Selon lui, ce sont des maladies liées à des espèces sauvages qui vivaient dans un milieu avec un germe. Ils sont venus ensuite partager le même milieu avec les êtres humains soit parce que leur habitat est réduit par les activités humaines, soit par le réchauffement climatique qui les oblige à se déplacer. Le spécialiste a notamment insisté sur les problèmes de santé mentale, qui, selon lui, culturellement, ne sont pas pris en considération.
« Par le fait que les gens sont obligés, de laisser leur zone qui change pourrait provoquer des effets sur la santé mentale, jusqu’à les rendre dépressifs », a-t-il souligné. D’après le Dr Pierre, dans ce cas on parle du concept de solastalgie (stress psychique ou existentiel causé par les changements perçus dans l’environnement). Conscientiser la population, former les professionnels, c’est ce que recommande le Dr Pierre pour mettre en place un système de santé prenant en compte les effets des problèmes environnementaux sur la santé.
« À partir de cela naîtra une sorte d’acceptation », croit-il. « Une fois que tout le monde sera au courant, ce sera aux autoritésd’établir une politique publique liée à ces différents secteurs », a-t-il conseillé.