Participant récemment à la présentation à Port-au-Prince du deuxième numéro de la revue Fotopaklè intitulé « Ijans/Urgence(s) », Patrick Saint-Pré, journaliste et instigateur de « Haïti Climat », et Raoul Vital, directeur de l’Observatoire national de l’Environnement et de la Vulnérabilité (ONQEV), sont intervenus autour du thème : « Perspectives pour une gouvernance environnementale en Haïti à l’heure du changement climatique ».
« Depuis 1992, au sommet de la Terre à Rio, Haïti est présente dans tous les « Conférence des Parties (COP) ». Que fait-elle ? », a demandé le modérateur sur un ton provocateur. Pour répondre à cette question, l’expert en changement climatique, Raoul Vital, a évoqué un problème de gouvernance datant de quelques années auparavant.
Ce problème de gouvernance d’alors a fait l’objet d’un article signé Patrick Saint Pré, le journaliste a traité la faiblesse de la délégation haïtienne dans les COP. « Malgré la participation de la délégation haïtienne chaque année [dans les conférences] [avant 2015] nous n’avions pas construit une masse critique suivant l’évolution des COP », a estimé Raoul, soulignant qu’un travail de structuration a été effectué depuis 2015.
L’année 2015, Haïti a travaillé sur un document intitulé « Contribution prévue déterminée au niveau national (CPDN)» que chaque pays devait remettre à la COP. Dès lors, un travail interne de consultation des acteurs environnementaux du pays a été réalisé chaque année afin de mieux négocier la position du pays par rapport à notre géomorphologie, car ce sont les positions de groupe qui prévalent durant les négociations.
Selon Raoul Vital, la question environnementale doit être abordée dans un cadre international, car il existe des mécanismes de gouvernance internationale ; et la gouvernance environnementale nationale passe par l’internationale. « Si au niveau international, il y a des faiblesses dans la gouvernance environnementale ; au niveau national, il y en a aussi », a avancé le directeur de l’ONQEV qui accuse la gouvernance environnementale internationale de beaucoup de faiblesses.
M. Vital a affirmé qu’Haït a pris des engagements vis-à-vis de l’accord de Paris. « Haïti a signé l’accord de Paris le 13 décembre 2015. On l’a signé à New York, le 22 avril 2016. Et, le 1er février 2017, le parlement l’a ratifié en Assemblée nationale. En ce qui a trait aux perspectives de gouvernance environnementale, le pays doit attendre beaucoup de l’État, a soutenu M. Saint-Pré. Il a constaté un gap entre des cadres légaux — tel que l’Accord de Paris qui fait partie de notre corpus législatif — et leur application.
Toutefois, selon le journaliste spécialisé en environnement et en économie, il existe des circonstances atténuantes. « L’international [en l’occurrence les pays riches – grands pollueurs] doit fournir de l’argent et de l’expertise à notre pays, question de réparer les dommages climatiques et de nous adapter », a nuancé le fondateur de « Haïti Climat ».
Patrick Saint-Pré a déploré l’absence d’un cadre légal pour le secteur de l’eau ; aucun cadre référentiel pour l’exploitation de l’eau dans le pays. Il a également indexé le problème de régularisation de la Brigade de surveillance des Aires protégées (BSAP) et la problématique de gestion de déchets qui se résume au ramassage d’ordures. Pour le journaliste de carrière, « tout cela constitue le lot des problèmes à pallier dans la lutte face au dérèglement climatique ».
Si M. Saint-Pré a estimé qu’on devait beaucoup attendre de l’État, M. Vital n’a pas été de cet avis dans la mesure où il croit que la société doit apporter sa lourde contribution. Il a fait référence à l’essai de Jared Diamond, « L’effondrement, comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie », question de placer la société au centre de la lutte contre le réchauffement climatique.
« La question de gouvernance est aussi une question sociétale, car la population peut décider du type de gouvernance qu’elle veuille le dans le pays », a soutenu le cadre du ministère de l’Environnement qui a précisé que le financement international pour lutter contre le réchauffement climatique s’inscrit dans une dynamique de justice, car c’est le modèle économique choisi par les pays développés qui nous a conduits jusque-là.
Haïti, étant un Petit État insulaire en Développement (PEID), étant le seul pays moins avancé (PMA) de la Caraïbe, étant un pays vulnérable face au dérèglement climatique doit bénéficier du support économique, technique et technologie des pays riches et grands pollueurs, comme l’a mentionné le journaliste Patrick Saint Pré.
Woo-Jerry Mathurin