Nous publions in extenso ce texte de Chevelie CINEAS sur les impacts écologiques des averses sur les écosystèmes aquatiques.
Quelques millimètres de pluie suffisent pour inonder certains quartiers de Port-au-Prince et de villes de province. Au lendemain des averses, les bilans faisant état de dégâts matériels et des pertes en vies humaines font souvent la une des médias. Ils sont toujours désastreux. Par exemple, après le passage de la tempête tropicale Laura en une journée sur Haïti, la Direction de la protection civile haïtienne a enregistré 31 morts, 8 disparus, 8 blessés. 6200 maisons inondées, plus de 2300 endommagées et 243 autres détruites seulement dans les départements de l’Ouest et du Sud’Est. Un bilan qui montre à quel point le pays est vulnérable.
Mais qu’en est-il des dégâts écologiques ? Que se passe-t-il dans nos écosystèmes suite aux averses ?
Lorsque les pluies torrentielles arrachent la couche de terre arable dans les hauteurs, elles la drainent vers le bas. Au passage, elles la font accompagner des déchets de toutes sortes (batteries, journaux, papiers, carton, verre, aluminium, sachets et bouteilles en plastique, styrofoam et autres) qui jonchent le sol et les déposent au fond des rivières, des ruisseaux, des lacs ou des étangs.
La macrofaune benthique, source alimentaire pour d’autres espèces animales, tels les poissons et les oiseaux, est anéantie et même détruite.
Ces sédiments et déchets organiques provoquent un déséquilibre écologique dans le milieu aquatique. La matière organique provoque une prolifération végétale et un appauvrissement en oxygène des cours d’eau (eutrophisation) alors que les sédiments augmentent les matières en suspension et provoquent le colmatage du fond. Etant insuffisantes pour la décomposition de l’excès de matières organiques déposées, les bactéries aérobies se font remplacer par des bactéries anaérobies. Ce qui entraîne une fermentation anaérobie des dépôts, source de dégagement gazeux de type sulfure d’hydrogène, méthane ou ammoniac. Cette condition anoxique est néfaste pour les populations animales. La macrofaune benthique, source alimentaire pour d’autres espèces animales, tels les poissons et les oiseaux, est anéantie et même détruite. Cette baisse quantitative de ressources alimentaires disponibles pour ces dernières aboutit à une diminution de l’avifaune et de la piscifaune laquelle entraine une carence de protéines animales dans notre alimentation.
Autre que les conséquences nutritionnelles, la diminution de la faune aviaire entraine des problèmes écologiques majeurs tels la réduction de la dissémination des graines et de la pollinisation des plantes, la non-régénération de nos forêts et la diminution progressive de la couverture végétale. Quand les forêts ne sont pas régénérées et la couverture végétale s’amoindrit, le sol devient sans protection contre les forces érosives de la pluie. Ce qui a pour conséquences les éboulements de terrain, les coulées de boues dans les villes, les pertes des biens matériels et vies humaines énormes que nous constatons lors des pluies.
Si rien n’est fait, demain sera pire. Une politique environnementale solide s’avère une urgence pour remédier à cette situation écologique alarmante.
A court terme, l’Etat doit :
– Avoir une politique de gestion des déchets efficace par le réemploi, le recyclage et le tri;
– Encourager la fabrication des objets réutilisables (sacs en tissu à la place de sacs en plastique) ;
– Stopper l’utilisation des assiettes et verres en styrofoam et les couverts en plastiques ;
– Encourager la vente des produits en vrac ;
– Sensibiliser la population sur les effets néfastes des déchets sur la santé et sur l’environnement ;
A moyen terme, l’Etat doit :
-
Avoir une politique de reboisement efficace en impliquant tous les secteurs (religieux, éducatifs, universitaires, économiques).
A long terme, l’Etat doit :
-Insérer un programme d’éducation environnementale adaptée à la réalité haïtienne dans le cursus scolaire ;
– Rendre obligatoire l’éducation à l’environnement dans toutes les écoles, à tous les niveaux même au niveau universitaire.
Chevelie CINEAS
Enseignante à l’Université d’Etat d’Haiti Doctorante en écologie des milieux aquatiques (+509) 42692012
cineashevelie@yahoo.fr/chevelie.cineas@univ-lyon1.fr/chevelie.cineas@ueh.edu.htRezo