Nombreux d’entre vous connaissent la plateforme Haïti Climat et l’émission du même nom diffusée sur Magik 9 tous les jeudis de 9h à 10h a.m. Urgence Magazine est un nouveau produit de la plateforme, toujours dans l’objectif de diversifier les canaux d’information, de formation et de sensibilisation aux problématiques environnementales. Ce magazine lancé en juin 2017 a connu un long sommeil avant de se réveiller le vendredi 25 juin 2021. Mais pas de n’importe quelle manière. Pour ce renouveau, une causerie en ligne a été organisée avec comme invitée d’honneur Mme Michèle Duvivier Pierre-Louis, autour du thème «Développement économique: quels sont les enjeux environnementaux et sociaux pour Haïti?»
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C’est dans une ambiance décontractée que l’ancienne Premier ministre de René Préval va prendre la parole. L’atmosphère était détendue, l’intervention d’une quarantaine de minutes de Mme Pierre-Louis était de haut niveau, avec des objectifs clairs et une méthodologie bien définie. L’intervention a bénéficié d’une documentation riche et variée. Tout au long de son discours, l’intervenante a mobilisé des données et des statistiques solides en citant des études scientifiques et officielles pour la plupart récentes. Des références vérifiables et vérifiées.
Mme Pierre-Louis a tout d’abord posé le cadre global et historique de la question environnementale. Elle relate les premiers sommets de la Terre conduisant à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CNUCC) qui va officiellement reconnaître les impacts des changements climatiques et ses causes anthropiques. 195 pays, dont Haïti, ont ratifié la CNUCC qui elle-même a créé les Conférences des parties (COP). Cependant, COP après COP, des engagements ont été pris, mais des actions concrètes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre n’ont pas toujours suivi. 25 millions de personnes sont déplacées chaque année à cause de la menace du réchauffement climatique sur leur cadre de vie.
Haïti produit peu d’émissions de gaz à effet de serre mais subit les politiques et les actions menées ailleurs par les pays développés. À titre d’illustration, 75% des polluants et des déchets du monde viennent des pays développés. 45% de l’eau est consommée par ces pays. 76% du bois récolté dans le monde est utilisé dans les pays développés. Cet «extractivisme» a aussi atteint Haïti puisque sa bauxite a été exploitée pendant quelques années. Ce sera la bonne transition pour la présidente de FOKAL pour passer à la deuxième partie de son intervention concernant « quelques indications sur la situation économique du pays en exposant également les défis environnementaux tels que relevés par un certain nombre d’experts ».
« Environ les deux tiers des pauvres vivent dans les zones rurales. L’écart de bien-être entre les zones urbaines et rurales est largement dû aux conditions défavorables de la production agricole. »
Les derniers rapports de la Banque mondiale et d’autres organisations internationales sur Haïti sont tout simplement accablants. La croissance du PIB d’Haïti a chuté de 3,7% en 2020 et le PIB par habitant en 2021 est inférieur à celui de 1945. Mesurée à l’aune de l’indice de développement humain, Haïti occupe la 170e place sur 189 pays en 2020. Selon le rapport mis à jour en avril 2021 de la Banque mondiale, Haïti accuse un taux de pauvreté de près de 60% en 2020. « Environ les deux tiers des pauvres vivent dans les zones rurales. L’écart de bien-être entre les zones urbaines et rurales est largement dû aux conditions défavorables de la production agricole. »
Selon le même rapport analysant l’Indice du capital humain, « un enfant né aujourd’hui en Haïti ne deviendra que 45% aussi productif qu’il pourrait l’être s’il avait bénéficié d’une éducation et d’une santé complètes ». Autrement dit, l’avenir de nos enfants risque d’être compromis, voire volé par les dirigeants actuels.
Pour compléter ce tableau sombre, la Banque mondiale nous a rappelé qu’on était un pays extrêmement vulnérable aux catastrophes naturelles, auxquelles est exposée 96% de la population. «En même temps, la population haïtienne a doublé en 30 ans. C’est un grand défi car les ressources s’amenuisent », a mis en garde Mme Pierre-Louis. Dans ce contexte de pauvreté extrême et de fragilité environnementale, nos compatriotes du monde rural abattent les arbres pour survivre. Ce problème est exacerbé par un très faible investissement (<1%) dans le secteur agricole, une mauvaise gestion de l’eau pour l’irrigation (gaspillage) et simplement un manque de volonté politique. L’économiste pointe aussi du doigt le manque de données sur les sols, les cultures, les chaines de valeur qui ne permet pas de prendre des décisions avisées. « Il est temps de faire de la science!» à martelé l’ancienne professeure a l’université, tout en déplorant que 90% des publications scientifiques sur Haïti sont réalisées par des étrangers.
« 28% du territoire est cultivable (7 700 km²). Les terres en plaine d’Haïti couvrent 550 000 hectares, dont 135 à 150 000 sont irrigables, mais seulement 75 à 80 000 sont effectivement irrigués.
On a de l’eau mais elle va directement à la mer. »
Mme Pierre-Louis a également fait des propositions dans la troisième partie de son intervention pour faire face aux défis économiques, sociaux et environnementaux. Elle va construire son argumentaire sur des chiffres qui mettent en lumière le potentiel de l’agriculture haïtienne. 28% du territoire est cultivable (7 700 km²). Les terres en plaine d’Haïti couvrent 550 000 hectares, dont 135 à 150 000 sont irrigables, mais seulement 75 à 80 000 sont effectivement irrigués. «On a de l’eau mais elle va directement à la mer. » se désole-t-elle. L’agriculture emploie 60% de la force de travail et contribue à 25% au PIB. Pour Mme Pierre-Louis, le potentiel du secteur agricole n’est pas à démontrer. Il suffit de combler les manques. L’investissement et des innovations technologiques sont nécessaires au secteur agricole pour renforcer la résilience climatique et satisfaire les besoins de sécurité alimentaire. Elle propose l’introduction de nouvelles variétés de cultures adaptées aux changements climatiques, l’investissement dans la mécanisation agricole et des industries légères de transformation des produits, l’accès à des services financiers (crédits) et enfin l’amélioration de la gouvernance du secteur.
«Il faut avant tout éduquer. Comme partout ailleurs, une paysannerie forte est un atout pour garantir la sécurité alimentaire, gérer les paysages, ancrer la nation dans des valeurs de travail, de solidarité et de dignité. » Ainsi, la présidente de la FOKAL dévoile son parti pris pour la production agricole, y compris l’élevage et la pêche, comme secteur essentiel pour le développement économique du pays.
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Newdeskarl Saint Fleur