Les mangroves situées dans les zones côtières du département de la Grand’Anse, plus particulièrement dans les communes de Corail, Pestel et Cayemittes, tendent à disparaître. Constituant des nids naturels pour perpétuer les espèces sous-marins, au bénéfice notamment de ceux qui vivent de la pêche et de ses expédients, les mangroves sont pourtant menacées par des citoyens censés les protéger.
Une visite in loco à Corail, l’une des aires protégées du département, nous a permis de rencontrer plusieurs concernés, dont le maire de ladite ville, Alex Maxcia, préoccupé par le sort réservé aux mangroves.
« Il y a une exploitation irrationnelle de cette plante maritime à Corail. Nous avons tout tenté pour empêcher ce phénomène : arrestations, interventions musclées de la police accompagnées du juge de paix […] Nous avons même brûlé les sacs de charbon produits par les habitants à partir des mangroves », a expliqué le premier citoyen de la ville de Corail soulignant la précarité économique des riverains qui n’ont presque pas d’autres moyens pour survivre en dehors de l’exploitation illégale des mangroves. « Ils sont obligés d’avoir recours aux mangroves pour produire du charbon qu’ils écoulent sur les marchés locaux », a précisé Alex Maxcia.
Pour le moment, a-t-il poursuivi, nous effectuons un travail de sensibilisation auprès des habitants avec l’aide des ONG, notamment Village Planète qui travaille de concert avec la mairie pour conscientiser les gens sur l’importance de cette plante à travers l’organisation de plusieurs ateliers de travail. Selon l’édile de Corail, lors du passage du cyclone Matthew en octobre 2016, sa commune était l »une des moins touchées, grâce aux mangroves qui ont pu bloquer la force du vent. « Malgré cet exemple patent, les gens font encore la sourde oreille», a déploré le maire qui dit disposer néanmoins d’assez de plantules pour essayer de remédier à cette situation d’abatage systématique des mangroves.
Pour le directeur départemental de l’environnement, Kelly Maxcia, la quantité de mangroves dans la Grand’Anse a considérablement baissé au cours des dernières années. Le faible budget alloué au Ministère l’Environnement et l’exploitation illicite de cette formation végétale par des gens en situation précaire sont les premières causes de cette disparition.
Le directeur Maxcia nous a clairement fait part de son inquiétude. « Nous ne pouvons avancer avec les efforts de protection des forêts maritimes, et le travail de sensibilisation ne donne aucun résultat [jusqu’à présent]. Nous avons besoin de campagnes de reboisement, des patrouilles ou des gardes forestiers communautaires, des campagnes de sensibilisation pour combattre la déforestation », a énuméré le directeur départemental qui s’est plaint des maigres moyens mis à la disposition de sa direction. Pour lui l’originaire de Corail, l’abatage des mangroves continuera tant que l’État central ne décide de fournir les moyens nécessaires pour endiguer leur disparition.
Plusieurs citoyens ont rapporté que la coupe des mangroves permet la production quotidienne de plus de 20 à 25 sacs de charbons. Alors que d’autres citoyens ont évoqué l’érosion qui détruit leurs racines comme étant la seconde cause à l’origine de la disparition des mangroves.
« La coupe des mangroves nous affecte. Les mangroves constituent un refuge pour de nombreuses espèces maritimes. Les poissons y trouvent leur nourriture et y pondent leurs œufs. La disparition des mangroves aura donc de graves conséquences sur la chaîne alimentaire », a alerté Étienne Villière, président d’une des associations de pêcheurs de Corail, allant jusqu’à regretter l’époque où il y avait beaucoup de crabes et de poissons dans les mangroves. « Maintenant, il y en a peu. Cela inquiète », a déclaré le pêcheur consterné par l’incapacité des autorités et communautés locales d’empêcher la coupe des mangroves qui jouent un rôle essentiel dans la protection des ressources du littoral tout en facilitant le travail des pêcheurs.
Flavien Janvier