Créée en 2018 par le Bureau of International Recycling (BIR), qui rassemble plus de 35 fédérations de 70 pays, la journée mondiale du recyclage est célébrée le 18 mars. À travers cette journée mondiale, relayée à travers le monde par diverses institutions, l’accent est surtout mis sur le respect des gestes simples du quotidien et les comportements à tenir en matière de recyclage et de tri. Pour l’occasion, Haïti Climat a décidé de lever le voile sur le recyclage en République dominicaine, une activité à laquelle s’adonne une majorité d’Haïtiens sans papiers.
En général, on rapporte que les mains haïtiennes traversant la frontière pour trouver du travail s’orientent vers la construction et l’agriculture, particulièrement la coupe de la canne. Jusqu’ici, on ignorait en Haïti que le recyclage comme secteur d’activité permettait à un nombre élevé d’Haïtiens de survivre en territoire dominicain.
Selon des chiffres communiqués par une investigation parue dans la presse dominicaine, citant le Mouvement national des ramasseurs de déchets, sur les 10 000 collecteurs de déchets solides
près de 60% sont des immigrés sans papiers venus d’Haïti à la recherche de meilleures conditions de vie.
Ces migrants haïtiens qui travaillent comme collecteurs de déchets solides sont sans papiers, la plupart avec des familles nombreuses, avec des enfants nés en République voisine et à leur tour sans papiers. N’ayant pas la nationalité dominicaine, même leurs enfants qui sont nés là-bas, ne peuvent bénéficier des services les plus élémentaires. Le seul fait d’être nés sur le territoire voisin ne suffit pas à ces enfants d’immigrants Haïtiens pour être des citoyens dominicains. Sans documents, il ne leur reste plus qu’à (sur)vivre comme ils peuvent. Nombreux sont ceux qui, sans visa ni autorisation de s’établir légalement en République dominicaine, n’ont que les ordures comme refuge et mode de vie.
Beaucoup d’Haïtiens vivent dans le quartier de Los Casabe à Duquesa, la deuxième plus grande des 350 décharges dans toute la République dominicaine, qui reçoit les ordures de la capitale et des cinq autres municipalités qui composent El Gran Santo Domingo. Selon le ministère dominicain de l’Environnement, 5 200 tonnes de déchets de la capitale y sont déversés quotidiennement.
La plupart des collecteurs vivent au jour le jour. La collecte des déchets dans la décharge peut rapporter jusqu’à 500 pesos par jour (10 dollars), un ou deux dollars de plus que dans la construction. Grâce à ce qu’ils parviennent à collecter et à vendre, ils gagnent entre 200 et 250 dollars par mois, comparable au salaire qu’un concierge ou même un éboueur de la mairie gagnerait.
Cependant, ces travailleurs ne bénéficient d’aucune prestation salariale, ni d’assurance maladie, ni de sécurité sociale, ni de pension. S’ils ne travaillent pas, ils ne mangent pas et ne gagnent pas d’argent. Sans papiers ni documents d’identification, les collecteurs Haïtiens ne sont pas reconnus comme faisant partie du secteur formel du travail et ne bénéficient pas des avantages de la loi accordés par l’État dominicain.
Mais ce problème n’est pas exclusif aux Haïtiens. Sur les 40% de collecteurs restants, on estime qu’au moins la moitié sont des Dominicains sans papiers qui ont trouvé dans les poubelles un moyen de survivre: sans identification ni reconnaissance. Il n’y a pas de registre officiel du nombre exact de Dominicains qui se trouvent dans cette situation, qui englobe des générations de la même famille sans papiers d’identité.
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Pour la première fois, un projet de loi promettant de les inclure pourrait changer la vie de ces travailleurs Dominicains sans papiers. En effet, le 6 février 2020, la loi générale sur la gestion globale et le traitement des déchets de la République Dominicaine a été approuvée à la Chambre des députés, qui pour la première fois inclut des collecteurs de déchets des municipalités en tant que ramasseurs d’ordures formels.
Avec cette loi, on cherche à reconnaître les collecteurs de déchets. Dans son article 50, elle cherche à encourager l’organisation de ces derniers à la base à participer individuellement ou collectivement et à fournir leurs services aux différentes phases de la gestion globale des déchets solides.
En devenant une partie formelle des municipalités, ils recevraient des prestations de base telles qu’une assurance maladie, une assurance-vie, une assurance-vieillesse et la possibilité d’accéder à des prêts bancaires. On attend toujours que la loi soit promulguée et la publication d’une résolution pour sa mise en œuvre par les législateurs dominicains. Toutefois, il n’est pas précisé si cette loi s’appliquera aux milliers d’Haïtiens et leurs enfants qui ne disposent pas de documents d’identification ou d’existence personnels. Certaines réglementations et la publication de jugements – comme l’arrêt 168/13 – considèrent les enfants d’Haïtiens comme des étrangers en raison de la nationalité de leurs parents.
Cette investigation a été publiée sous le titre original «Le recyclage en République dominicaine se fait par des sans papiers » et est traduite de l’espagnol par Patrick SAINT-PRE. Lire la version originale de cette investigation en cliquant ici.
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