Les autorités haïtiennes ont commémoré cette année, sans tambour ni trompette, la funèbre date du 12 janvier ramenant les 11 ans de l’après séisme de 2010. Considéré comme étant une des pires catastrophes naturelles survenues dans le monde durant la dernière décennie car, il ne fallu que 35 secondes au tremblement de terre – d’une magnitude de 7,3 sur l’échelle de Richter – pour mettre à genou Port-au-Prince, la capitale et la commune la plus peuplée du pays, en ôtant la vie à plus de 220 000 personnes, blessant 300 000 autres et laissant plus d’un million sans abri.
Selon des chiffres tirés du rapport du Secrétaire général des Nations unies en date du 5 septembre 2011, environ 100 000 maisons ont été complètement détruites, et 190 000 se sont effondrées ou ont été gravement endommagées. Pour le Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD), les dégâts macro-économiques chiffrés à quelque 7,8 milliards de dollars, soit 120% du Produit intérieur brut en 2009, ont anéanti des décennies d’efforts et d’investissements pour mettre le pays sur la voie du développement.
A l’instar de l’année dernière, Haïti Climat a encore convié des professionnels du secteur à faire le point en leur consacrant des temps de parole à ses émissions où ils ont tenté d’apporter réponse à ces épineuses questions « Où en sommes-nous 11 ans plus tard ? », « Sommes-nous mieux préparés qu’avant à faire face à une catastrophe d’une telle ampleur ? » ou encore « Avons-nous bien retenu les leçons du séisme de 2010 en matière de construction ? »
« Haïti est exposé à plusieurs aléas et catastrophes naturels dus aux problèmes économique, social, éducationnel et environnemental », a déclaré d’entrée de jeu Dorine Jean Paul avançant que l’adaptation aux risques des catastrophes naturelles d’une société devrait commencer par une prise de conscience au niveau local. Pour ce faire, a-t-elle estimé, les communautés doivent s’informer des différents risques auxquels le pays est exposé pour une préparation adéquate.
Une brochure préparée par le PNUD à l’occasion des 10 ans du séisme « 2010-2020 : 10 ans de travail dans la gestion des risques en Haïti » a calculé que depuis 1909, Haïti a subi une centaine de catastrophes naturelles, dont environ 40 ouragans et tempêtes, 47 inondations, 7 sécheresses et 2 tremblements de terre, aggravant la pauvreté récurrente de la population.
En effet, toujours selon l’agence du système des Nations unies, Haïti reste le pays de l’hémisphère occidental ayant l’Indice de Développement Humain (IDH) le plus bas, avec près de 78% de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté absolue et 58% dans une pauvreté extrême.
Au cas où un doute subsisterait sur le rapport de causalité entre la permanente situation de pauvreté d’Haïti avec sa situation de grande vulnérabilité, le PNUD est formel : « les catastrophes exacerbent la pauvreté, les inégalités, les problèmes de gouvernance et la dégradation de l’environnement. »
C’est évidemment le cas en Haïti où les catastrophes naturelles ont de forts impacts sur la vie des populations d’une manière générale. Cependant, la capacité de réponse aux risques y est pourtant insuffisante pour réduire ou limiter leurs impacts. Les facteurs structurels géographiques et conjoncturels du pays devraient être pris en compte. Actuellement, près de 96% de la population est confrontée à au moins deux aléas majeurs, indépendamment de son appartenance sociale et de sa position géographique.
En outre, les derniers chiffres communiqués récemment par la FAO ont estimée la couverture forestière d’Haïti à 2% et sa couverture boisée à 18 %. Il s’agit d’un problème criant pour notre environnement.
Pour qu’un pays soit résilient aux catastrophes naturelles, a avancé Dorine Jean Paul, il y a un ensemble d’éléments de base préétabli qui doit englober les trois piliers du développement durable, a savoir : l’économie, l’environnement et le social.
« Au niveau du PNUD, nous faisons un travail d’accompagnement sur l’approche multirisque avec les autorités locales et les institutions qui sont à l’intérieur du système national de gestion des risques et désastres, voire un plan de contingence pour certaines communes qui prend en compte une cartographie multirisque comme : sécheresse, tsunami, inondation, mouvement de terrain et séisme. Ces travaux réalisés dans ces communes touchent à la fois autorités locales et société civile, mais il nous faut du temps pour les élargir dans tous les départements », a indiqué la représentante du PNUD.
A ce jour, dix-huit (18) plans de prévention des risques existent désormais dans des quartiers prioritaires de Port-au-Prince et dans le Nord et le Nord-est, tandis que quatre départements et 53 communes sont couverts par des cartographies multirisques. Un guide méthodologique de la réduction des risques naturels en milieu urbain est disponible pour les praticiens de la gestion des désastres naturels. En outre, le PNUD a travaillé à l’élaboration d’un plan national de gestion des risques et désastres allant de 2019 à l’horizon de 2030 de concert avec le Ministère de la Planification et de la Coopération Externe, le Ministère de l’Environnement, entre autres.
Pour des villes haïtiennes durables
Œuvrer en faveur de la réduction des risques, de la gestion et du relèvement des désastres conformément aux Objectifs du Développement Durable (ODD), en particulier l’objectif 11 qui vise à faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables.
Cependant, 11 ans après le séisme du 12 janvier 2010, l’organisation urbaine de la ville de Port-au-Prince et de l’aire métropolitaine semble très loin d’être bien gérée par les autorités étatiques. Les constructions anarchiques se sont multipliées dans les périphéries de nos villes dues à un exode rural massif depuis quelques décennies. Une situation particulièrement inquiétante, quand on sait combien les conséquences sont désastreuse.
Nos villes prennent une mauvaise expansion qui entrave le bien-être collectif des citadins. Les conditions sanitaires et sociales qui pouvaient garantir un cadre de vie sain et agréable dans les villes ne sont pas respectées, en plus des dangers liés à l’environnement. D’après, Alex Lorquet, il faudrait faire les plans des villes tout en aménageant les espaces.Une ville ne devrait pas être construite sans penser au centre récréatif et sportif, aux espaces de santé et d’écoles entre autres dans le cadre d’un développement urbain.
Selon un rapport de la banque mondiale rendu public en janvier 2018, Haïti est le troisième pays le plus urbanisé dans l’Amérique latine et Caraïbes. Les communes de la zone métropolitaine de Port-au-Prince étant sursaturées, les citoyens en quête de nouveaux espaces pour s’installer, construisent au bord de la mer, dans les ravins et d’autres endroits très risqués.
La pratique du caractère informel et anarchique des constructions dans la zone métropolitaine reste un grand défi pour l’Etat, et pour relever ce défi, il nous faut un État responsable et présent, a reconnu l’ingénieur Lorquet.
Interviewé sur les défis auxquels font face le Collège, M. Lorquet a fait savoir que le plus grand défi reste l’absence de l’appui de l’État haïtien dans la mise en œuvre de certains travaux.
Kattia Jean François