En arrivant aux Coteaux, l’observateur curieux verra tout de suite que les maisons sont nombreuses. La plupart ont sur leurs toits une antenne réceptrice de la télévision par satellite. C’est même plus visible que dans certaines grandes villes du pays. On en a vu même sur des abris provisoires. Les gens ne se bousculent pas pour regarder un match de foot, un téléfilm, un feuilleton. Même si l’électricité n’est pas disponible 24 heures par jour. Au moins, les abonnés connaissent l’horaire fixe des 15 heures par jour, soit de 8 h AM à 11 h du soir.
On entend souvent parler des Coteaux en général pour son sanctuaire de l’escalier de 500 marches de la Médaille miraculeuse. Mais depuis la mise en place dans cet arrondissement de la première coopérative d’électricité d’Haïti dénommée « Coopérative Electrique de l’Arrondissement des Coteaux (CEAC) », les habitants de la toute zone affichent une fierté. C’est tout à fait justifié. La mini-centrale hybride (solaire et diesel) située au bord de la route qui mène à Port-Piment et dans la Grand-Anse force l’admiration des uns et des autres.
Avant la fondation de la CEAC, les communes de Coteaux, Port-à-Piment et Roche-à-Bateau, qui forment l’arrondissement, étaient plutôt mal desservies. Elles avaient droit à seulement deux heures d’électricité par semaine ou davantage durant les périodes de fête comme lors des patronales. Tout a changé avec l’apparition de CEAC dans le paysage énergétique. Repasser ses vêtements, cuire son repas, regarder la télé ne sont plus un luxe dans ce coin tranquille d’Haïti.
Qui a dit que l’énergie est un vecteur de développement ?
Aux Coteaux, depuis le bord de la route qui mène à Port-à-Piment, on peut apercevoir les panneaux qui surplombent les bureaux de la coopérative d’électricité. Sur un terrain pentu se succèdent les panneaux photovoltaïques. En contrebas, des hommes équipés de pioches et de pelles creusent, empilent et remplissent d’une terre sableuse un camion parqué juste à côté du grand creux. Nous avons appris par la suite, qu’à terme, l’ouvrage est destiné à recevoir des batteries de stockage de l’énergie. Cette capacité de stockage fait tellement défaut à la mini-centrale qu’elle devient urgence et priorité aux yeux des responsables.
Dans une communauté économiquement faible, la part du renouvelable devrait augmenter dans le but de réduire la quantité d’énergies fossiles à consommer pour satisfaire la demande croissante des abonnés. Et aussi limiter surtout l’empreinte carbone. « Les responsables de cette centrale valorisée à environ trois millions de dollars remuent encore ciel et terre pour l’extension du réseau », a appris Haïti Climat auprès de l’administration de la coopérative. Le financement des activités de la coopérative a pu être obtenu de la Norvège grâce à l’appui du Bureau des Nations unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS).
Une fois les frais fixes versés, autrement dit 70 gourdes pour un plan résidentiel et 113 gourdes pour un plan commercial, dès lors, le client résidentiel peut acheter un minimum de 25 gourdes dans les divers bureaux préposés à la recharge des comptes. C’est-à-dire à son code unique qui identifie chaque abonné. Quant au client commercial, il peut acheter un minimum de 150 gourdes par mois.
A titre d’illustration, le directeur général a.i de la CEAC, Adiley Moclette Charlot, fait remarquer qu’un ménage disposant d’un plan d’éclairage avec deux ou trois ampoules « Energy Saver bien entendu » peut consommer 100 gourdes d’électricité durant deux à trois mois. « Le kilowatt/heure d’électricité coûte 21 gourdes pour les clients résidentiels et 25 gourdes pour les commerciaux de la CEAC », selon l’institution qui prévoit d’atteindre l’autosuffisance dans cinq ans.
L’idée d’extension du réseau, du renforcement de la capacité productive de la centrale est récurrente dans les conversations des décideurs de la CEAC. Les travaux en cours augmentent la capacité d’un système synchronisé (solaire avec batteries et génératrices diesel) de 400 Kilowatts. En ce début de décembre de 2020, la part du solaire ne représente que 10% dans le mix énergétique limité de la centrale encore sous-équipée.
Certains endroits si proches du centre urbain de Coteaux ne rêvent que de l’électricité qui passe sous leurs barbes. C’est le cas de Carpentier, près de Port-à-Piment, Zone sèche ne sont pas encore desservies. La CEAC informe avoir entrepris des pourparlers avec ses partenaires pour renforcer la production et permettre du même coup de toucher certaines localités qui réclament à cor et à cri l’électricité. Expliquer que toutes les sections et recoins ne peuvent être desservis au départ relève d’une stratégie de communication. Ce que la CEAC parvient à faire comprendre aux solliciteurs d’abonnements à son réseau en faisant distribuer des pamphlets et surtout dans des discussions via des réunions communautaires.
Des initiatives comme celles de la CEAC valent en vérité leur pesant d’or dans un pays où l’accès à l’électricité reste très limité (38% en 2012). Nombre de zones reculées ou d’agglomérations urbaines aimeraient tellement goûter aux vertus de la manne électrique. Haïti est le seul pays qui accuse le plus faible taux d’accès des ménages à l’électricité de toute la zone Amérique latine et Caraïbe (96%), selon un rapport de la Banque mondiale intitulé « Les villes haïtiennes : des actions pour aujourd’hui avec un regard sur demain » publié en 2018.
Dieudonné Joachim