La mauvaise gestion des déchets est l’un des problèmes cruciaux auxquels Haïti est confronté. Face aux risques qu’elle représente pour l’environnement, des spécialistes interviewés par notre rédaction plaident en faveur de la mise en place de stratégies concrètes en vue d’un avenir sans déchets.
Dans cette optique, le directeur des Cadres de vie et d’Assainissement du ministère de l’Environnement exhorte à l’adaptation des initiatives mondiales, en tenant compte des spécificités locales, pour obtenir des résultats durables. M. Vladimir Chéry propose, entre autres, d’améliorer la collecte et le tri des déchets, ainsi que la mise en place de systèmes de collecte sélective, de centres de tri et de décharges contrôlées. Il recommande également de promouvoir le recyclage en encourageant les initiatives de recyclage du plastique, du papier, du verre et des métaux. La construction de centres de traitement des déchets modernes et adaptés, ainsi que la valorisation des déchets organiques par le compostage, sont également des mesures cruciales.
M. Chéry encourage aussi l’utilisation de produits réutilisables et durables, ainsi que le soutien aux initiatives locales de production et de vente. Il préconise l’adoption d’une économie circulaire, le développement de filières de réemploi et de réparation, ainsi que le soutien à l’artisanat et aux entreprises qui transforment les déchets en ressources. Il propose aussi la création de marchés de seconde main.
Le responsable de la DCVA au sein du MdE lance un appel à l’action collective. Selon lui, la transition vers un modèle zéro déchet nécessite l’engagement de tous : gouvernement, collectivités, entreprises, organisations de la société civile et citoyens. Chacun a un rôle à jouer pour construire un avenir plus propre et plus durable pour Haïti.
Par ailleurs, le vice-recteur à la recherche de l’université publique du Nord-Est souligne les graves enjeux environnementaux auxquels Haïti est confronté, en particulier pour la gestion des déchets dans les principales villes du pays. Selon Maismy-Mary Fleurant, les déchets qui s’accumulent dans les espaces urbains ne sont et un problème esthétique, mais révèlent une défaillance systémique de l’État à assurer un environnement sain pour la population.
« Les déchets sont bien plus qu’un simple problème visuel. « Ils représentent une menace sérieuse pour la santé publique, notamment en provoquant des troubles respiratoires, des maladies liées à la pollution atmosphérique, et même des cancers », a précisé M. Fleurant. Il a également mis en lumière le rôle des déchets dans l’aggravation des catastrophes naturelles, notamment les inondations, en obstruant les canaux et en perturbant le système d’évacuation des eaux.
« Les arrêtés de 2013 et 2014 sur les déchets plastiques, en particulier sur les polystyrènes et polyéthylènes, sont restés lettre morte. » « Cela montre une démission manifeste de l’État dans la gestion de cette crise environnementale », explique l’expert en droit de l’environnement.
Pour faire face à ce défi colossal, l’écologiste appelle à une approche multisectorielle et coordonnée. « Il est impératif que l’État mette en œuvre ses lois sur les déchets et l’hygiène publique et donne les moyens nécessaires aux collectivités territoriales et aux institutions comme le Service national de gestion des résidus solides (SNGRS) pour accomplir leur mission », affirme-t-il, insistant également sur la nécessité d’instaurer des mécanismes judiciaires pour sanctionner les crimes environnementaux.
En outre, M. Fleurant appelle à une prise de conscience collective. « Il est crucial de mener des campagnes de sensibilisation à l’échelle nationale afin que la population comprenne l’ampleur du défi et adopte les comportements nécessaires pour préserver un environnement urbain propre », ajoute-t-il.
M. Fleurant rappelle que la gestion des déchets ne relève pas uniquement des autorités publiques, mais également de la responsabilité de chaque citoyen. « Chacun doit comprendre que la salubrité de nos villes et la protection de notre environnement traversent des gestes quotidiens simples, mais fondamentaux », conclut-il.
La gestion des déchets en Haïti est un défi urgent et croissant, d’après le responsable de l’organisation Concorde haïtienne de sécurité alimentaire et nutritionnelle (CHSAN). « La situation s’aggrave à la fois au niveau national, et au niveau international, car nos déchets sont entrés dans des pays de la Caraïbe, comme la Jamaïque et Cuba ». Ces derniers se retrouvent désormais à lutter contre la pollution causée par les déchets en provenance d’Haïti, notamment ceux jetés en mer, qui finissent par affecter leurs écosystèmes marins et côtiers. « Ce phénomène est un signal d’alarme concernant l’ampleur de la crise environnementale que traverse la nation », indique M. Guelson Jean-Louis.
Selon l’écologiste, les déchets plastiques peuvent se transformer en matériaux de construction, ce qui détournerait ce matériau polluant des décharges et de lui offrir une seconde vie utile. Il a également suggéré de mettre en place des politiques publiques incitant à la réduction de l’utilisation des plastiques à usage unique, en privilégiant des matériaux biodégradables pour l’emballage, tels que les fibres naturelles.
M. Jean-Louis propose également de renforcer l’agroécologie pour réduire l’utilisation de pesticides et d’engrais chimiques, qui ont un impact direct sur les sols et les ressources en eau. Il insiste en outre sur la nécessité d’intégrer l’éducation environnementale dans les écoles pour sensibiliser les jeunes générations à la gestion des déchets et à la réduction de la pollution plastique.
Il évoque la nécessité d’améliorer la gestion de l’eau et de promouvoir l’utilisation d’énergies renouvelables pour limiter l’usage du charbon de bois, une ressource qui contribue fortement à la déforestation en Haïti.
En conclusion, le responsable du CHSAN appelle à un changement fondamental dans la manière dont Haïti aborde la gestion des déchets, en adoptant une approche circulaire plus durable et en mettant en place des réformes structurelles pour mieux diriger les ressources naturelles et protéger l’environnement pour les générations futures.
Jean Rony Poito Petit Frere
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