Face à l’augmentation des chocs climatiques, des catastrophes urbaines et de l’informalité, le Comité interministériel d’aménagement du territoire (CIAT), la Primature et plusieurs partenaires institutionnels ont lancé, le 29 mai 2025 à l’hôtel Montana, une série de rencontres mensuelles baptisées « Jeudis des territoires », afin de repenser l’aménagement du territoire haïtien.
Lancée en présence d’acteurs du secteur public, privé et de la société civile, cette initiative vise à établir un espace de réflexion structuré sur des thèmes cruciaux tels que les déplacements, la vulnérabilité urbaine ou encore les outils juridiques de gestion du territoire.
La ministre de la Planification et de la Coopération externe, Ketleen Florestal, a rappelé que l’aménagement du territoire est une question centrale pour réduire les pertes humaines et matérielles lors des événements climatiques extrêmes. Pourtant, les documents existants sont peu utilisés, alors même que les risques augmentent.
Sans un cadre de planification fonctionnel, les services et les infrastructures continuent de s’implanter dans des zones vulnérables, aggravant les effets des inondations, des glissements de terrain ou des séismes. Le cas du Nord surpeuplé a été cité comme exemple d’un déséquilibre territorial accentué par l’absence de vision climatique.
Réforme du droit et résilience urbaine
La conférence inaugurale, tenue en format hybride, a porté sur le thème : « Quel cadre juridique pour l’aménagement du territoire dans un urbanisme résilient et durable en Haïti ? »
Gary Lherisson a révélé que plus de 80 études ont été produites, mais peu ont mené à une réforme durable. Il pointe l’obsolescence des outils hérités de lois françaises vieilles de plus d’un siècle, peu compatibles avec les réalités actuelles d’Haïti. Il préconise une adaptation des modèles, et non une copie : « Ne copions pas les lois américaines ou françaises, inspirons-nous-en pour les adapter à notre réalité », avance-t-il.
Le géographe Jean-Marie Théodat va plus loin en proposant une véritable « chirurgie administrative ». Selon lui, la majorité des Haïtiens vivent aujourd’hui dans des espaces auto-construits et informels, non par choix, mais en raison de l’absence de présence étatique et de planification environnementale.
Marie-Christine Stephenson, secrétaire technique du CIAT, insiste : l’urbanisation ne peut se faire sans justice. Elle appelle les municipalités à appliquer les lois existantes et réclame la participation active du ministère de la Justice et des forces de l’ordre, condition sine qua non à un aménagement réellement résilient et équitable.
Elle a conclu sur une note alarmante, reliant l’inaction institutionnelle à la perte de vies humaines : « Sans cela, nous allons toujours compter des morts lors des séismes et aléas, qu’ils soient climatiques ou liés au non-respect des normes d’urbanisation. »
Esther Kimberly BAZILE
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