Une estimation issue des travaux doctoraux de Georges Verdier révèle qu’à elle seule, la ville de Port-au-Prince produira près de 2 millions de tonnes de déchets en 2025. À l’échelle nationale, on atteint environ 12 millions de tonnes de déchets chaque année, dont seulement 12 % sont recyclés. Le reste se retrouve à ciel ouvert, dans les ravins, les cours d’eau ou sur les plages, aggravant la pollution et les risques sanitaires. Pourtant, plus de 55 % de ces déchets sont organiques, donc compostables ou transformables en produits utiles, comme du charbon écologique.
C’est sur cette piste qu’avance Beathilde PH Vidieu, administratrice et présentatrice de l’émission Coco Chabon. Invitée à Haïti Climat le 17 juillet, elle a détaillé un projet innovant : produire du charbon à partir de déchets organiques, une solution qui répond à la fois à la crise des déchets et à la déforestation.
Selon elle, ce charbon écologique est moins nocif pour la santé et pour l’environnement que le charbon traditionnel, tout en offrant un rendement énergétique satisfaisant. Il est fabriqué principalement à partir de fibres de coco auxquelles sont ajoutés des liants naturels, puis transformées grâce à un processus artisanal.
Pour l’instant, faute d’investisseurs et de machines adaptées, la production reste limitée et artisanale. « Nous fabriquons en petite quantité, mais l’objectif est de passer à une production plus importante lorsque nous aurons les moyens techniques nécessaires », a expliqué Beathilde PH Vidieu.
Elle a également décrit le processus : collecte des matières premières, tri des déchets, séchage pour éliminer l’humidité, puis transformation jusqu’à l’obtention du charbon fini. Ce produit, appelé « coco chabon », dégage moins de fumée et de gaz nocifs que le charbon classique, améliorant ainsi la qualité de l’air dans les foyers.
Lors du concours de pitch où elle a présenté cette innovation, le projet a suscité l’intérêt pour son aspect écologique et son potentiel économique. Ce type de production peut créer des emplois locaux, notamment pour les femmes et les jeunes, dans la collecte, la transformation et la distribution.
L’impact potentiel est double : valoriser des déchets qui, autrement, pollueraient l’environnement, et offrir une alternative énergétique moins destructrice pour les forêts. En Haïti, où la couverture forestière est déjà inférieure à 2 %, chaque initiative visant à réduire la coupe de bois est cruciale.
Cependant, le chemin reste semé d’embûches. Le financement, la sensibilisation du public et l’accès à un réseau de distribution fiable figurent parmi les conditions essentielles pour pérenniser et développer le projet.
Face à la crise environnementale et à la gestion encore insuffisante des déchets, le charbon écologique apparaît comme une piste prometteuse : un feu qui éclaire sans brûler l’avenir.
Esther Kimberly BAZILE
