Environnement

Agriculture et climat : le regard croisé de Jacky Duvil sur Haïti et la République Dominicaine

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Invité de l’émission Haïti Climat le 31 juillet 2025, l’ingénieur agronome Jacky Duvil, docteur en géographie humaine et régionale et du changement climatique, a partagé les conclusions de sa thèse consacrée à la perception, la vulnérabilité et la capacité d’adaptation des agriculteurs face aux impacts climatiques en Haïti et en République dominicaine. L’entretien a mis en lumière les menaces qui pèsent sur l’agriculture, les solutions locales qui existent, et l’importance de la coopération et du financement pour renforcer la résilience du secteur.

Dès le début de l’entretien, Jacky Duvil a dressé un constat sans appel : l’agriculture haïtienne fait face à des menaces de plus en plus graves. Sécheresses prolongées, inondations imprévisibles, cyclones plus intenses et dégradation des sols fragilisent les récoltes et les revenus des agriculteurs. Sa recherche révèle que 36,7 % des agriculteurs haïtiens sont classés comme très vulnérables, contre seulement 26,8 % comme moins vulnérables. En République dominicaine, la tendance est inversée, avec 60 % d’agriculteurs moins vulnérables. Selon lui, cet écart s’explique principalement par un meilleur accès au crédit, à l’éducation et aux ressources techniques chez les agriculteurs dominicains.

Des perceptions qui influencent l’action

Les résultats de l’étude montrent aussi un important fossé de perception : 70 % des agriculteurs haïtiens n’interprètent pas les changements climatiques de la même manière que les experts, contre 47,5 % en République dominicaine. Pour beaucoup d’agriculteurs haïtiens, ces phénomènes sont perçus comme des « châtiments de Dieu », une vision qui peut retarder l’adoption de solutions scientifiques et techniques. « Comprendre le problème est une étape essentielle pour y répondre efficacement », rappelle le chercheur.

Malgré les difficultés, des initiatives locales montrent qu’il est possible de s’adapter. Jacky Duvil cite les plantations associant manioc, banane et canne à sucre à Salmory, qui réduisent les risques climatiques, ou encore les rampes antiérosives construites avec de la paille à Saint-Raphaël. Il évoque aussi l’irrigation goutte-à-goutte, une technique qui préserve les cultures même en période de sécheresse. Pour lui, le Crédit agricole est un outil incontournable : « Un agriculteur qui a accès à un prêt peut investir dans des semences résistantes, du matériel ou des techniques modernes. »

Allier science et savoir paysan

Pour renforcer durablement l’agriculture sur l’île d’Haïti, Jacky Duvil plaide pour une combinaison entre les connaissances scientifiques et la sagesse paysanne. Les échanges entre agriculteurs haïtiens et dominicains autour de pratiques agricoles plus résistantes constituent, selon lui, un levier important.

Il en profite pour souligner le rôle déterminant des fonds climatiques internationaux et des ONG dans l’appui aux solutions locales. Ces ressources peuvent financer des projets qui lient agriculture, innovation et formation, tout en respectant les savoirs traditionnels.

À titre de conclusion, Jacky Duvil insiste sur la nécessité d’une coopération renforcée entre Haïti et la République dominicaine. Un message qui résonne comme un appel à bâtir, ensemble, une agriculture plus forte et plus résiliente face aux défis climatiques à venir.

Esther Kimberly BAZILE

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