Face à la dégradation alarmante du parc national La Visite, le chercheur haïtien Guire Ricardo DOSSOUS a choisi d’en faire le cœur de sa thèse de doctorat. Son travail met au jour un problème de gouvernance avéré et interpelle l’État sur l’extrême vulnérabilité de ce patrimoine naturel menacé.
Guire Ricardo DOSSOUS a récemment soutenu une thèse de doctorat à l’université Paris Panthéon-Assas (France) intitulée : « La destruction de l’écosystème forestier du parc national La Visite à Haïti ». Une situation extrême de gestion publique à l’échelle d’un territoire ?
Selon lui, ce travail se distingue par son approche innovante analysant la problématique environnementale du parc à travers le prisme de la gestion publique. « Notre travail fait partie des rares recherches en gestion produites dans le pays et pour le pays », souligne-t-il avec ardeur.

Une destruction alarmante
L’étude met en évidence la répétition de pratiques anthropiques non régulées, devenues des routines pour les usagers, et qui continuent de mettre gravement en péril l’écosystème local. Guire Ricardo DOSSOUS note que ces pressions, combinées à l’inaction de l’État, génèrent des risques majeurs pour l’avenir du parc et des territoires adjacents.
« Le parc La Visite dispose d’un statut de protection spécial, mais l’inaboutissement des politiques publiques n’a pas permis d’assurer une continuité dans les efforts de conservation », explique-t-il. Pour lui, la responsabilité première incombe aux institutions étatiques, qui n’ont pas encore fait preuve d’une réelle volonté d’action.
Absence de plan de gestion et conséquences écologiques
Le chercheur dresse un constat sévère : à ce jour, aucun plan de gestion officiel n’encadre l’organisation du parc. Il fonctionne selon un « régime aléatoire », sans planification, ni direction, ni contrôle des ressources naturelles.
Les conséquences sont déjà visibles : pénurie d’eau, sols appauvris, disparition de plantes et d’espèces endémiques. Pire encore, il anticipe des effets à long terme, tels que des migrations forcées ou une aggravation de l’insécurité.
Un cri d’alarme scientifique
Au-delà du diagnostic, la thèse de DOSSOUS se veut aussi être un levier d’alerte et d’action. Il appelle à la rédaction urgente d’un véritable plan de gestion pour le parc, basé sur des principes de gouvernance claire, de financement structuré et de participation communautaire.
Par ailleurs, il discute actuellement avec des chercheurs d’universités françaises et américaines afin de concevoir un outil de gestion opérationnel, qui pourrait être mis en œuvre maintenant après sa conception. En plus de ce projet en cours, DOSSOUS entend désormais mobiliser les institutions, les universités et la société civile autour d’un enjeu national : sauver le parc national La Visite d’un effondrement potentiellement irréversible.
Situé dans le sud-est d’Haïti, dans la chaîne de la Selle, le parc national La Visite s’étend jusqu’à la frontière dominicaine. Créé en 1983 sous le régime de Jean-Claude Duvalier pour lutter contre la déforestation, il abrite la plus vaste réserve de pins du pays, perchée à 1 900 mètres d’altitude.
Malgré son statut d’aire protégée et son inclusion dans la réserve de biosphère de La Selle reconnue par l’UNESCO en 2012, le parc continue de subir de fortes pressions. En l’absence des politiques de l’État, les communautés locales se mobilisent mais tardent à formaliser et mettre en place un projet de conservation concret.
Rappelons que ce site a également été marqué par un drame le 23 juillet 2012, lorsque l’évacuation forcée de familles installées depuis 1942 s’est soldée par la mort d’au moins quatre personnes.
Jean Rony Poito Petit Frere