«Port-au-Prince, à elle seule, produit environ 1 kilogramme de déchets par habitant et par jour, selon les dernières estimations. En 2015, le ministère des Travaux publics précisait que la capitale générait 900 000 tonnes de déchets par an, dont seulement 25 % étaient acheminés vers des sites de décharge. Le reste est abandonné dans l’environnement », a souligné Wilson Blaise, ingénieur rudologue et spécialiste en gestion de l’environnement.
Intervenant à l’émission Haïti Climat, le 30 janvier 2024, autour du thème « Des déchets aux ressources pour une Haïti résiliente et propre », Wilson Blaise a déclaré qu’Haïti est un pays laissé pour compte en matière de gestion des déchets.
Le problème des déchets affecte la santé, l’aménagement territorial et la pollution. Il a également un impact social et économique. Ce fléau global témoigne d’une société dysfonctionnelle, où le problème est bien présent, mais largement ignoré.
Les conséquences sont multiples et les chiffres en témoignent. Une estimation, issue des travaux de Georges Verdieu pour sa thèse doctorale, indique que d’ici 2025, Port-au-Prince produira à elle seule 2 millions de tonnes de déchets.
Les impacts sont visibles sur la qualité de l’air et des produits que nous consommons, qu’ils proviennent de la terre ou de la mer. « Nous avons constaté que 55 % des déchets produits en Haïti sont organiques. En se dégradant, ces biodéchets produisent du méthane, un gaz à effet de serre très puissant », a-t-il mentionné. De plus, les bactéries issues de ces déchets se retrouvent dans notre alimentation, causant des démangeaisons, des éruptions cutanées et des problèmes respiratoires.
Ces déchets s’accumulent dans les rues, obstruent les canaux d’irrigation et finissent par se déverser dans la mer, contaminant les eaux et affectant la santé publique. Il s’agit donc d’un problème qui concerne aussi bien les citoyens, les autorités que le secteur privé.
Des stratégies adaptées à la réalité locale doivent être mises en place, notamment en instaurant un cadre réglementaire favorisant des actions concrètes. Le recyclage et la valorisation des déchets offrent de réelles opportunités. « Les biodéchets peuvent être transformés en biogaz et en compost. Il n’est pas nécessaire d’importer des composts de qualité douteuse d’Inde, nous pouvons en produire en Haïti », a-t-il avancé. Cependant, pour cela, un système de tri est indispensable, ce qui fait encore défaut dans le pays.
La loi de 2017 propose des principes pour une nouvelle gouvernance en matière de gestion des déchets, mais son application n’a pas entraîné de changements significatifs. Elle prévoit notamment une écotaxe pour les entreprises polluantes. L’État ne peut agir seul : la participation du secteur privé et des citoyens est essentielle. L’éducation dès le plus jeune âge est cruciale pour inculquer l’importance du tri des déchets, de la propreté des rues et des espaces publics.
Haïti, encore peu exploitée dans ce domaine, représente une opportunité pour les investisseurs intéressés par le biogaz, le compostage et le recyclage. Transformer les déchets en ressources économiques permettrait de dynamiser l’économie locale. Toutefois, cela nécessite une législation incitative pour encourager les acteurs à intégrer ce secteur, encore trop ignoré ou négligé dans le pays.
Certaines entreprises haïtiennes travaillent déjà dans ce sens, mais elles ne bénéficient ni du soutien des banques ni d’un accompagnement des autorités. Sans infrastructures, financement et encadrement, elles ne pourront pas se développer et contribuer efficacement à la gestion des déchets.
Esther Kimberly Bazile
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